Versailles, le numérique au Château

La politique dynamique et innovante en matière de développement numérique pour aborder l’histoire et le patrimoine permet au château de Versailles de continuer à rayonner.

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Avec plus de sept millions de visiteurs
 par an, le monument le plus visité de l’Hexagone bénéficie d’un intérêt qui ne se dément pas. Reposant sur une stratégie numérique bien rodée depuis une quinzaine d’années, le château de Versailles n’a cessé d’innover et d’étendre son rayonnement sur le web. Aujourd’hui, les outils numériques, grâce à la dématérialisation des visites, lui permettent d’être vu par des visiteurs « empêchés » (ne pouvant se déplacer) et par le public étranger, qu’il ait ou non le projet de venir à Versailles. « Ce public du numérique nous intéresse car il aura envie, un jour, de venir découvrir le site. Rien ne remplacera l’expérience in situ », affirme Paul Chaine, directeur du développement numérique du château. Le château a également fait le pari, depuis le début, de proposer gratuitement tous ses services de médiation numérique. C’est le département piloté par Paul Chaine (six permanents), au sein de la direction de l’Information et de la Communication, qui
 se charge de mener à bien cette politique numérique exemplaire. Plusieurs mécénats de choix y apportent leur obole, comme ceux établis avec Orange ou Google, qui mettent leurs technologies au service de la médiation numérique, mais aussi Michelin et plus récemment Dior.

 

Pas d’écrans dans la galerie des glaces mais…


« Le numérique in situ, chez nous, est toujours problématique car il s’inscrit dans des lieux d’histoire très visités », rappelle Paul Chaine. Ne pas venir en opposition avec ce riche patrimoine, mais être au service du contenu culturel et scientifique en ajoutant du sens et de la praticité fait partie ici des postulats de base. Considéré comme l’un des dispositifs numériques les plus efficaces, celui qui se trouve à l’entrée de la galerie de l’histoire du château a été réalisé en 2015 en partenariat avec Google Cultural Institute, qui collabore avec le château depuis 2009. À grand renfort de reconstitutions 3D (par Westimages et le Fabshop), trois films photoréalistes signés par Aloest Productions introduisent l’histoire de la construction du château, des jardins et des châteaux du Trianon. « Le public de Versailles est très diversifié. Il faut que les clefs de lecture du lieu lui soient connues. » Cette médiation in situ pédagogique ne va pas sans un déploiement sur le web. Outre Google Earth qui offre cette visite en temps réel, les films 3D s’appréhendent sur le site versailles3D.com (ils ont été adaptés par les 84) ainsi qu’en réalité augmentée. Mise au point par Abvent avec le moteur de rendu 3D Artlantis pour tablette et smartphone, la découverte permet cette fois-ci de visualiser à 360 °, à partir de la cour d’Honneur, tous les états antérieurs du monument.

 

À la galerie des Carrosses située dans les Grandes Écuries, la médiation numérique se fait cette fois-ci au moyen de tablettes tactiles placées devant certains carrosses. Grâce à un mécénat avec Michelin, trois visites virtuelles à 360 ° des intérieurs ont été réalisées par Sisso. Là encore, l’espace de visite est étendu sur le web et les reconstitutions sont visibles depuis le site Internet du château. Cela prévaut évidemment pour la réouverture très attendue de la Maison de la reine (Hameau
de la reine) au printemps dernier. Du fait de l’exiguïté du lieu qui se visite sur réservation, est prévue à proximité l’installation d’une table tactile permettant aux visiteurs n’ayant pu entrer de découvrir interactivement les espaces privés de Marie-Antoinette, ainsi que le Hameau. Cette découverte virtuelle des extérieurs, réalisée en photogrammétrie par Drone Volt, est d’ores et déjà accessible en ligne ; celle des intérieurs devrait suivre.
 La réalité virtuelle vient de faire elle aussi son entrée remarquée au château au printemps dernier dans le cadre de l’exposition Visiteurs de Versailles. Grâce à la fondation Orange, partenaire historique depuis 2009, deux applications de réalité virtuelle sous-traitées à Make Me Pulse font revivre, à travers des reconstitutions 3D, des moments forts de l’histoire de France. Ambassade de Siam, 1686 utilise le prétexte d’une cérémonie pendant laquelle des ambassadeurs offrent des cadeaux au Roi Soleil pour évoquer des lieux disparus comme l’escalier des Ambassadeurs. Le Bal des Ifs, 1745 propose, pour sa part, de se trouver au cœur de la fête donnée en l’honneur du mariage du fils de Louis XV. Si cette dernière expérience immersive n’est pas encore proposée in situ (la première l’est avec des casques Oculus Rift), elle est accessible en téléchargement gratuit ainsi que la première sur la plate-forme Steam.

 

Vu la réception très positive du public (un millier de personnes ont fait l’expérience), le château de Versailles envisage aujourd’hui l’ouverture d’un cabinet permanent dédié à la réalité virtuelle. « Le choix de son implantation, son modèle économique, le nombre de postes, le type d’offre (etc.) font partie des réflexions que nous menons actuellement. » Seul équipement de médiation numérique à avoir ses entrées à toutes les pièces du château, l’audioguide (Sycomore et Orpheo) est, contrairement à la plupart des musées, proposé gratuitement. Depuis trois ans, il 
est accompagné d’une application mobile
 de visite géolocalisée, Bienvenue à Versailles, laquelle se télécharge (toujours gratuitement) lors de l’achat du billet. Mise au point par Sedona Redshift (Paris), cette application, qui peut être utilisée à distance, comprend, outre des informations utiles (horaires d’ouverture, etc.), une carte interactive du château, de la galerie des Carrosses, du parc et des châteaux de Trianon. Autant de parcours géolocalisés (grâce au GPS du téléphone) comprenant une soixantaine de points d’intérêt, documentés via des vidéos et des commentaires audio. L’application mobile et géolocalisée Jardins de Versailles apporte, quant à elle, des repères utiles pour mieux appréhender le vaste domaine. Téléchargé plus de 130 000 fois depuis son lancement en 2013, ce guide de visite iOS et Android connaît de nombreuses mises à jour. Développé par Mazedia dans le cadre d’un partenariat avec Orange, il comporte,
 en plus d’une cartographie 3D, de nouveaux parcours personnalisés. Ces modules, téléchargeables « à la carte », livrent la vision décalée de personnalités comme Erik Orsenna, Giuseppe Penone ou Lee Ufan.

 

Des MOOC à la RV EX SITU

La politique numérique du château a sa vitrine attitrée sur le web (une vingtaine
de sites dédiés) et les réseaux sociaux qui participent avec succès, depuis cinq ans, à la construction de cette visibilité. Font partie du périmètre du service numérique, la création et la gestion de ces sites (préparation de la visite, post-visite, etc.) et l’animation des réseaux sociaux (plus de deux millions de visiteurs au total) : chaque « post » (ouverture d’un chantier
 de restauration, numérisation d’une œuvre d’art…) participant au rayonnement du monument. Le service met également au point des outils numériques destinés aux chercheurs qui peuvent consulter en ligne les collections numérisées (20 000 œuvres d’art numérisées en haute définition à ce jour). Sans oublier 
les mooc (Massive Online Open Courses), ces cours en ligne gratuits mis à la disposition des étudiants. Celui co-produit en 2015 avec Orange sur la vie de Louis XIV à Versailles à l’occasion de l’exposition Le roi est mort reste encore une référence.

Et l’on retrouve aujourd’hui sans surprise, au cœur des réflexions de l’établissement public qui s’est donné pour mission la démocratisation de la culture, cet ambitieux projet de cabinet en réalité virtuelle ex situ : « Nous envisageons actuellement l’exploitation de l’espace de Versailles par des tiers ailleurs qu’au château, en France et à l’étranger. Ce dispositif éventuellement collectif doit s’adresser, comme tous les autres, à un public le plus large possible. » En attendant, d’autres projets en réalité virtuelle in situ sont dans les tuyaux, toujours avec Orange comme partenaire.

L’essentiel de cette production est pris en charge par des prestataires multimédias (suite à des appels d’offre) ou dans le cadre de mécénat de compétences. À noter que le château, qui réalise en interne une partie de la production vidéo (30 à 80 bandes annonces ou vidéos promotionnelles sont produites par an), a été le premier établissement public à publier en 2015 un marché concernant 
une prise de vues aériennes par drone. Aujourd’hui de telles prises de vues sont gérées en interne. Et le service peut même se féliciter, depuis fin 2017, de posséder son propre drone (marque DJI). « Ce lieu créé au XVIIe siècle a toujours accompagné l’innovation et celle-ci reste plus que jamais à l’ordre du jour », conclut Paul Chaîne.

 

* Article paru pour la première fois dans Sonovision #12, p.22-23Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.