Cité du Vin à Bordeaux, premières effluves

Sans équivalent en Europe, la Cité du Vin à Bordeaux, dont l’ouverture est prévue pour juin 2016, mise sur une scénographie audiovisuelle, immersive et polysensorielle.
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Estimée à 81 millions d’euros (63 millions d’euros en 2011), la Cité des Civilisations du Vin à Bordeaux, récemment rebaptisée Cité du Vin, fait partie des grands projets muséo- graphiques de l’année 2015. Ni musée ni parc à thème, la Cité est, selon son directeur Philippe Massol, un grand équipement de loisir culturel, voire un centre d’interprétation qui, à défaut de montrer l’objet (le vin), décline le thème dans toutes ses dimensions physique, culturelle, émotionnelle et historique. Si le projet se singularise par son architecture (agence X-TU), la scénographie de l’exposition permanente due à l’agence londonienne Casson Mann (Churchill Museum, etc.) – dont le budget avoisine les 6,5 millions d’euros – allie expériences immersives et polysensorielles avec des mises en scène spectaculaires. Prévu pour durer plus d’une heure et demie, le parcours visiteur totalise plus de 9 heures de productions audiovisuelles et multimédias pour un montant de 4 millions d’euros. Un « vrai » budget qui illustre bien la volonté de la maîtrise d’ouvrage d’équilibrer contenant et contenu.

 

 

UNE MAîTRISE D’OUVRAGE EXEMPLAIRE

Pour réussir ce parcours polysensoriel (visuel, sonore et olfactif), la maîtrise d’ouvrage (la Ville de Bordeaux) a tenu à s’entourer d’une AMO audiovisuelle (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage), laquelle a été assurée par Claire Davanture qui a écrit le cahier des charges des appels d’offre : « Casson Mann avait défini, lors de l’APD, vingt et un modules audiovisuels en fonction du programme muséographique. Ceux-ci ont été adaptés afin que les images diffusées délivrent un contenu en phase avec le projet global. Pour réduire le nombre de marchés et simplifier la gestion des productions, nous avons déterminé huit lots (tournages similaires, etc.) et facilité le travail des producteurs en centralisant la recherche iconographique (menée par XYZèbre). »

À chaque module scénographique, son traité en image en relation avec le support et la thématique. Introduisant le parcours, le premier grand spectacle Le Tour du monde des vignobles, gagné par Grand Angle Production, signale, au moyen d’un vidéomapping sur le sol et trois écrans de projection géants, la diversité des paysages viticoles (réalisation Eric Michaud, Bernard Billois et Jean-Louis Buresi).

Celle-ci est détaillée sur La Table des terroirs, un important dispositif interactif combinant une découverte de portraits de vignerons diffusés sur des écrans verticaux (46 pouces) avec un mapping 3D de vignes sur une grande table en relief, laquelle change d’apparence au gré des saisons évoquées (Grand Angle avec Moving Stars).

Constituant un autre point fort du parcours, la salle immersive à 200 ° A bord ! recourt pour sa part à l’animation pour narrer l’épopée maritime des pionniers du négoce (réalisation Clap 35). À quelques encablures de là, Le Banquet des hommes illustres emprunte la forme du théâtre filmé pour mettre en scène des personnalités improbables conversant sur le sujet (Pline l’Ancien avec Churchill, etc.). La captation de ce plan séquence de 8 minutes, réalisé en 4K par Olivier Brunet et produit par les Films d’Ici, est projetée sur un support acoustique de 8 mètres de long par 3 mètres de haut (en baswaphon).

Dans la continuité de ce dispositif, le module Art de vivre et convivialité invite le visiteur à s’asseoir à l’une des trois tables animées afin d’écouter une personnalité discourant sur le repas gastronomique, l’histoire du service du vin ou le vin convivial. Projeté à même la table, dressée avec de la vaisselle en blanc, un mapping 3D traduit les propos échangés, n’hésitant pas à interrompre le déroulement de la vidéo si un verre se brise (réalisation par Squint Opéra)…

Le parcours très dense se conclut par une projection « feu d’artifice », La Grande Saga de Bordeaux (Olivier Brunet avec les Films d’Ici). Prenant appui sur une structure métallique composée de plusieurs écrans de projection placés à différentes profondeurs, le vidéo mapping résume en 10 minutes la contribution bordelaise à 2 000 ans d’histoire du vin. Un trompe-l’œil découpé en huit parties filmées en 4K : « C’est le même personnage habillé différemment qui raconte cette histoire, précise le réalisateur. Il est filmé sur un fond vert pour être incrusté dans les images 3D réalisées par Yannick Tholomier (Ijin Production).»

Entre chaque point fort de ce parcours libre, qui comporte pas moins d’une soixantaine de projections dont une quinzaine de vidéos mapping, le visiteur découvrira encore bien d’autres configurations scénographiques s’appuyant sur des diffusions vidéo (écrans de 8 pouces jusqu’à 65 pouces). Ainsi, le transport du vin est-il rendu via des marines animées (par Clap 35) ; le travail de la vigne illustré par ces « ceps » géants aux 18 écrans (Grand Angle, Moving Stars et 2 Roqs). Théâtres optiques, dioramas, écrans tactiles se pressent encore dans la Galerie des civilisations (par Sim & Sam). 

 

UN PARCOURS LIBRE ET POLYSENSORIEL

Le lot « Production sonore », dont le cahier des charges a été écrit par Roland Cahen et Sacha Gattino , souligne l’importance accordée par la Cité à la création sonore. Si Laps Design, qui a remporté l’appel d’offre, signe toutes les bandes son hors audiovisuel, les accompagnements musicaux des films et interactifs participent à la construction du « paysage sonore » : « Nous avons demandé aux producteurs de concevoir les films avec des plages de silence afin d’accueillir des sons extérieurs, remarque Roland Cahen. Et aux designers sonores et compositeurs (Romain Barthélémy, Olivier Lafuma…) d’éviter l’effet de redondance. Enfin, nous insistons pour que tous les masterings se fassent in situ. »

Élaboré spécifiquement par la société allemande Tonwelt, le compagnon de visite s’immisce dans la composition sonore en déclenchant les audiovisuels via des détecteurs infrarouges disposés dans les modules. Équipé d’un casque « ouvert », il est doté d’une synchronisation labiale des dialogues (moins de 40 millisecondes de décalage).

Pour cette scénographie qui multiplie les appareillages techniques (multiprojection, écrans tactiles, machines à odeur, compagnon de visite, détecteurs de mouvements, etc.), la maîtrise d’ouvrage s’est appuyée sur l’expertise du bureau d’études en ingénierie audiovisuelle Guy Garcia Ingénierie (avec Michel Sauvage). Pour simplifier l’exploita- tion et faciliter la maintenance, l’intégrateur Vidélio a limité au maximum le nombre de marques de matériel. Ainsi, une seule solu- tion de projection à base de projecteurs Barco a-t-elle été retenue, laquelle couvre toute la gamme de puissance souhaitée sur l’ensemble du parcours (4 000 à 15 000 lumens). Installés dans quatre régies multimédias, des Médialon Manager V6 pilotent les modules équipés de lecteurs vidéo BrightSign HD voire de PC ou de médias serveurs vidéo Modulo Player (Modulo Pi) lorsqu’ils font appel à de la projection, à l’exception des dispositifs dont le contenu est directement déclenché par le compagnon de visite. Les systèmes de show control commandent aussi les diffuseurs olfactifs (plus de 50 points de diffusion), qui accompagnent en synchronisation les médias présentés.

Certaines de ces diffusions ont été réalisées sur mesure en fonction d’un cahier des charges. Côté son, le parcours sonore fait appel à de très nombreux haut-parleurs (peu d’enceintes directionnelles), chaque module étant doté d’un contrôleur audio de type BSS permettant une correction acoustique précise.

À noter que, pour conserver une exploitation informatique centralisée de l’installation, la maîtrise d’ouvrage a tenu à relier le réseau virtuel (VLAN) du parcours permanent, qui reste étanche, au réseau global de la Cité. Remporté également par Videlio, le lot « Multimédia » comprend tous les dispositifs d’affichage dynamique (dont des écrans forte lu- minosité de 1 500 à 2 000 candelas par mètre carré) ainsi que certains espaces immersifs de la Cité, comme cette salle à 360 ° sur le vin et l’amour où le public est invité à s’allonger. Huit projecteurs Barco, pilotés par Modulo Player, ne sont pas de trop pour diffuser un film 100 % contemplatif réalisé à partir d’une bande son signée par Laps Design.