Moins secouante qu’un ride et plus planante, la plate-forme de survol, appelée aussi « soaring », embarque ses voyageurs qui, en douze secondes, se retrouvent les pieds dans le vide. Entre vertige et sensation physique de voler, ils viennent de « décoller » de Poitiers et s’apprêtent à faire, en quatre minutes, un tour du monde qui les conduira des pyramides de Gizeh au parc de Yellowstone, en passant par les cimes de l’Himalaya et les rives du Gange. Inspiré du « Tour du Monde en 80 jours » de Jules Verne, cet envol en 5D, presque entièrement réalisé en images de synthèse (hormis le décollage et l’atterrissage), se démarque, de par sa facture immersive et onirique, des quatre autres soarings existant au monde (Canada, Chine et USA), lesquels proposent des survols plus « touristiques » en prises de vues réelles.
Une fiction signée Cube
« Notre tour du monde devait se faire en prises de vues réelles, mais le survol de lieux comme le Taj Mahal s’avérant complexe, l’image de synthèse s’est vite imposée », raconte le directeur de création Olivier Héral. « Celle-ci nous permettait en outre de disposer d’un film en 6 K. »
Pris en charge par Cube Creative (avec Franck Savorgnan) qui a l’expertise des grands formats (rides pour le Futuroscope Péril sur Akryls et Ecodingo) et signé par Nicolas Deveaux (7 tonnes 2), le film fait glisser, de manière expressive, de décor en décor. Et ce, dès l’ouverture qui n’est autre qu’un plan du pavillon du Futuroscope filmé depuis un drone équipé d’une Red Dragon 6 K (à raison de 48 images par seconde).
Pour rester dans cette veine hyperréaliste, Cube a fait le choix d’un pipeline 3D à base de Maya, Houdini (pour les effets FX) et Clarisse, un nouveau moteur de rendu physique développé par Isotropix. Destinée à être projetée sur un écran géant (570 mètres carrés), l’image en sortie finale (6 000 par 4 000 pixels) et au ratio non conventionnel de 1,5 a été croppée en 4K avec des players vidéo et remappée sur une mire de déformation optimisée.
À noter que, pour mieux régler les effets d’accélération et de plongée (etc.), la production a recouru, pour la première fois, au casque Oculus et au moteur temps réel Unreal : « La salle était encore en cours de construction quand la production a commencé » (de juin 2015 à décembre 2016, ndlr), explique Bruno le Levier (Cube Creative). « Nous ne pouvions donc pas les tester sur place. Nous avons dû recréer la salle ainsi que le point de vue de chaque spectateur. L’équipe du Parc pouvait ainsi valider en temps réel la sensation et l’impact des images. »
Les tests seront également menés au Kinémax du Futuroscope et dans d’autres lieux disposant d’un grand écran ou de projecteurs 4K. Indissociables de l’attraction 5D, les effets spéciaux embarqués sur la plate-forme (vent, bruine, odeurs, fumées…), quant à eux, seront réglés plus tard par une société autrichienne afin qu’un vent frais accompagne le survol de l’Himalaya ou que des odeurs de cumin montent des rives du Gange.
Une musique originale, signée par Franck Marchal (Le Comptoir du Son), ainsi que des bruitages parachèvent cette sensation poussée d’immersion. Ce rendu sonore est restitué au moyen d’une spatialisation peu fréquente en 12.1 (diffusion via des enceintes Alcons), laquelle rend encore plus expressifs les clins d’œil à Jules Verne disséminés par Nicolas Deveaux dans le parcours.
Soaring sur mesure
Mis au point par la société canadienne Dynamic Structures, le dispositif du Futuroscope se distingue des autres soarings par sa configuration. Prévue pour la jauge importante de 84 personnes (650 visiteurs par heure), sa plate-forme basculante, dotée de sièges mobiles, autorise ainsi un chargement sur un seul niveau : « La sensation d’être catapulté dans l’image est plus intense, remarque Olivier Héral. Le visiteur ne sent pas la différence entre la montée physique et la plongée dans l’image. La continuité est parfaite. »
Le dispositif permet en outre d’amener les passagers au plus près de l’écran dont la forme torique légèrement aplatie au milieu assure une vision à 180 °, que le spectateur se trouve à 12 ou 25 mètres. Pour recouvrir cette surface, la projection recourt à cinq vidéoprojecteurs Christie Boxer 4K30, associés à des serveurs vidéo Modulo (installation par Tedelec). Un show control Medialon gère la mise en marche de la plate-forme (les mouvements ont été programmés par Dynamic Structures) ainsi que le lancement des médias. « Nous avons conservé la main sur la programmation des effets spéciaux à partir du Medialon afin de les modifier au besoin », précise toutefois le responsable projet, Jean-Pierre Joyaux.
Comme toutes les attractions de cette envergure (budget de 4 millions d’euros), le dispositif a fait l’objet d’un prémontage dans les ateliers à Vancouver. Puis, il a été remonté sur place, dans le pavillon du Tapis magique, par les équipes techniques et la société locale Ingéliance, chargée de sa maintenance. Dans les soubassements, l’imposante fosse technique (plus de 20 mètres de profondeur) abrite l’infrastructure du soaring (en fait deux plates-formes jumelles synchronisées) et ses moteurs électriques.
Producteur du contenu de l’attraction, le Futuroscope (deuxième parc en France avec 1,9 million de visiteurs), qui mise sur l’attrait de l’immersion grandeur nature et des dispositifs collectifs en réalité virtuelle, entend être un acteur sur le marché émergent du soaring. Le Parc a ouvert dans ce sens, début 2017, le Lab Futuroscope afin de développer et d’expérimenter – éventuellement commercialiser – ces technologies en fonction des besoins.
* Article paru pour la première fois dans Sonovision #6, p.20-21. Abonnez-vous à Sonovision pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.