La société 2AVI vient de fêter ses trente ans. Quelle était son orientation et comment a-t-elle évolué ?
Fondée en 1991, l’entreprise était, au départ, fortement axée sur l’audiovisuel professionnel. Petit à petit, le métier a évolué pour se tourner principalement vers des activités de maintenance, en particulier la maintenance de parcs à thème, de l’audiovisuel traditionnel et du cinéma, mais aussi sur l’installation d’écrans Led, des projets que l’on pourrait qualifier de « moutons à cinq pattes ». Nous sommes principalement orientés sur des projets à forte valeur ajoutée. Autrement dit, des projets vraiment dédiés à un habillage de colonne, une façade asymétrique, à tout ce qui n’a pas un format classique.
Depuis une dizaine d’années, en parallèle de l’audiovisuel traditionnel et de l’écran Led, 2AVI est de plus en plus présent sur les marchés cinéma, hors grande exploitation, comme sur l’événementiel cinématographique. Nous participons ainsi à nombre de festivals comme le Festival de Cannes, le Festival d’Annecy, le Festival américain de Deauville et bien d’autres. Nous sommes sur les avant-premières de films, pour lesquelles beaucoup de studios nous accordent une totale confiance, et sur les équipements en postproduction. Nous travaillons sur des installations haut de gamme ou atypiques pour les salles de cinéma.
Aujourd’hui, nos cœurs de métier sont l’activité cinéma hors grande exploitation (d’autres acteurs en France faisant très bien ce métier !). 2AVI se concentre vraiment sur la valeur élitiste (festival et exploitation spécifique), postproduction et audiovisuel professionnels (mais très « niche »), sur des métiers de type parc à thème, attractions, solutions 3D. C’est pourquoi nous avons récemment racheté la société Treedy, spécialisée dans la projection en 3D, une première étape avant la 4D. Dans le secteur du cinéma, certes on a encore peu de 3D, en revanche ce n’est pas le cas sur nombre d’autres métiers qui font appel à la 3D, voire à la 4D.
Pour la partie maintenance, il y a une dizaine d’années, 2AVI s’est dotée d’une vraie salle blanche. Nous sommes quasiment les seuls en France à disposer d’une telle salle pour faire la maintenance des têtes numériques des vidéoprojecteurs. Pour ces prestations et faire face à toutes les demandes, 2AVI détient un parc de projecteurs, de serveurs, d’écrans gonflables, d’écrans en tous genres, de tous les périphériques et accessoires nécessaires. Nous travaillons la partie audio avec notre partenaire et ami François Decruck (DK Audio). J’allais omettre la partie projection cinéma, les événements de plein-air sur lesquels effectivement nous sommes très actifs de juin à septembre.
Je crois savoir que vous avez toujours maintenu une activité sur l’argentique, pourquoi ?
C’est effectivement une particularité de 2AVI. Nous avons aujourd’hui toute une gamme argentique 35/70 mm qui nous permet de répondre à des demandes bien spécifiques. Certains ayants droit veulent, à juste titre certainement, pouvoir exploiter, voire présenter leurs œuvres sur de l’argentique.
Je prends un exemple. L’un de nos collaborateurs taille actuellement une fenêtre de projection pour la projection Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson. La copie est arrivée ce matin. Nous avons installé l’équipement pour le son et les sous-titres et il faut tailler un cache parce que c’est un gonflage d’un scope, donc une nouvelle fenêtre est nécessaire dans cette salle qui ne possédait pas de cache 2,39 pour du 70 mm. Et effectivement, nous figurons parmi les derniers à le faire, à détenir encore ce savoir-faire du 35 mm que nous cherchons à cultiver et transmettre.
En pratique, comment se traduit votre souci de transmission ? De combien de personnes se compose votre structure ? Employez-vous des alternants, de jeunes stagiaires ?
2AVI compte onze salariés à temps complet, auxquels s’ajoutent des intermittents qui interviennent au cas par cas. Les alternants ne sont pas encore concernés par la transmission technique car elle ne s’effectue pour le moment qu’en interne, sur des profils qui étaient plutôt numériques. Nous avons ici le cas précis d’une personne qui, plutôt numérique à la base, affichait un vrai attrait pour l’image, quelle qu’elle soit. Nous l’avons formée sur l’argentique. Il en est de même avec les intermittents.
Comment se répartit votre chiffre d’affaires en termes d’activités ?
Il est relativement équilibré, même si d’une année à l’autre il peut varier. En général, un tiers d’audiovisuel professionnel, un tiers de vente cinéma et un tiers de prestation cinéma, la maintenance étant transversale sur ces trois métiers.
Concernant les murs Led, quels sont vos choix techniques ?
Nous fonctionnons vraiment au cas par cas, il n’y a pas d’offre type. Nous sommes en mesure de faire du custom. François, en interne, participe à tout le design sur les murs Led et les installations de salles. Et sur ces murs, la partie châssis (la structure) est déterminante, elle constitue vraiment un facteur clé de la pérennité des solutions Led. Nous avons su développer ce savoir-faire que peu de sociétés détiennent, c’est pourquoi on nous fait confiance sur des solutions atypiques. Il est facile d’installer un 16/9, mais bien plus compliqué d’habiller les colonnes, de proposer du cas par cas !
Le retail, les salles de contrôle vous intéressent-ils ?
Pas pour l’instant, mais rien n’est exclu. Nous réfléchissons quotidiennement aux développements futurs de 2AVI. Notre business plan, établi jusqu’en 2024, est plutôt axé sur la consolidation de l’activité actuelle, la mise en place d’une structure plus opérationnelle sur l’ensemble des métiers. Par la suite, nous verrons bien où nous en serons !
Revenons sur la partie salle d’étalonnage, salle de vision avec des prestataires… l’activité s’est-elle installée dès vos débuts ?
Cela s’est fait de façon progressive, puis s’est accéléré à partir de 2009. L’activité postprod en tant que telle a débuté en 2003-2004 avec les premières installations, les premiers tests. 2AVI avait commencé à installer assez tôt, en itinérant, des machines cinéma. Les liens se sont noués peu à peu avec des chefs op ou des producteurs.
Tout s’est déroulé en parallèle du développement de l’installation naturelle du marché mondial du numérique. Les postprod ont beaucoup travaillé sur des machines non cinéma DLP. À la toute fin des années 90, début des années 2000, ont commencé à émerger des machines tri-DLP en postproduction parce que certaines d’entre elles permettaient de travailler les Lut, la postproduction avec un référentiel colorimétrique fiable. Petit à petit, les machines DCI Cinéma sont également arrivées. D’abord la série 1, mais le phénomène s’est vraiment démocratisé avec la série 2.
Digimage fut pionnier à l’époque avec Duran Duboi. Il nous reste encore un certain nombre de séries 1 en maintenance en postproduction, de même en salle. La colorimétrie est fiable. Petit à petit, nous sommes parvenus à traiter l’installation de quelques salles, notamment le Publicis ou le Max Linder (avant 2007). Nous continuons à collaborer avec ces deux cinémas devenus des salles de référence dans lesquelles les prods font des visions. Le Max Linder sert même de salle de labo.
Le Grand Action est un de nos derniers grands chantiers dans lequel nous avons réinstallé des projecteurs 35. Nous sommes arrivés au Grand Action pour les solutions d’étalonnage d’Eclair il y a de nombreuses années. Cela a duré deux ans. Eclair avait délocalisé une partie de ses activités. Certains laboratoires se trouvaient en périphérie, il leur manquait un lieu parisien. Nous avons été énormément challengés sur ce point ! Entre Le Grand Action ou les salles d’Épinay, il fallait que ce soit vraiment transparent !
Combien de salles compte Le Grand Action ?
À l’origine deux salles, mais un gros chantier a donné naissance à une troisième salle, en lieu et place où le Théâtre du Temple stockait jadis une partie des copies et qui était devenu, par la suite, un bar. La salle est petite mais cosy, un peu luxe. Nous sommes fiers d’avoir pu participer à la transformation de ce lieu !
Ladite salle est-elle équipée en laser ?
Non, nous sommes restés sur du Xenon afin justement d’assurer une continuité entre le labo et la salle, disons sur la fabrication postprod. C’est sûr qu’aujourd’hui une salle qui postproduit en Xenon et qui fait une vérif en laser, va retrouver son film, mais ce sont des choses qui peuvent arriver pour l’instant. L’idée est que tout soit vraiment très transparent, de vérifier que l’étalonnage effectué sur un écran de quatre mètres tienne la route sur un de dix mètres, de même pour le son. Il est important de se rendre compte, dans une vraie salle d’exploitation, ce que donnent les éléments.
Quelles sont vos préoccupations actuelles ?
Le Xenon, le laser, les écrans Led. Les postprod n’ont pas totalement adopté la technologie laser – c’est en cours –, la technologie laser est en train de « maturer » elle aussi. Les deux vont se rejoindre naturellement. Et puis viennent se greffer autour les solutions Led DCI proposées par différentes marques, chacune d’elles dotée d’avantages et d’inconvénients. Avec nos clients et fournisseurs, nous observons la situation de près. En ce moment même, nous étudions les évolutions de salle vers des solutions Led. Nous avons besoin de bien comprendre les tenants et les aboutissants.
Vous avez aussi une activité plein-air et vous vous intéressez aux lunettes 3D. Qu’en est-il exactement ?
En tant qu’intégrateur prestataire, nous sommes à la disposition des marques, des exploitants, des clients, des postproducteurs. Nous nous devons d’offrir une palette de prestations et de services qui corresponde aux attentes de nos clients. C’est pourquoi nous faisons de l’extérieur, de la projection en plein air ; activité pour laquelle il y a un vrai engouement. Nous sommes aussi très présents sur les avant-premières de postproduction, ça c’est vraiment pour la partie installation-prestation.
En parallèle, s’est développée l’activité location et vente de lunettes 3D, notamment Xpand. Le marché n’est pas anodin, loin s’en faut, puisqu’il touche aussi les parcs à thème, pas que le cinéma. Nous avons de plus commencé à travailler sur des projets en 4D et, comme déjà précisé en début d’entretien, en transversal, nous avons toutes ces notions de maintenance et de design, prenant en charge le design d’une salle jusqu’à sa maintenance opérée dans le temps. Nous comptons de plus en plus de contrats de maintenance et d’exploitation. Par « exploitation », il convient d’entendre le contrat de l’exploitation détachée, un technicien permanent dans un lieu pour effectivement assurer les avant-premières et les prestations. Bien sûr, pas en exploitation traditionnelle, mais vraiment sur des lieux spécifiques.
En ce qui concerne les installations de murs Led, quels sont vos projets ?
Ils sont nombreux à l’état de projet, et donc nous resterons discrets sur ce point par respect pour notre clientèle et des raisons de concurrence… Les années 2020-2021 ont été très particulières. Nous avons la chance d’avoir cette activité de maintenance, une présence dans les festivals et les avant-premières, lesquelles nous ont permis de passer ces deux années sereinement. Maintenant, nous regardons avec attention à l’horizon 2024, afin de consolider toutes nos activités par du renouvellement de parc, de technologies. Tel sera le tissu de l’année 2022. Nous n’avons encore pris aucune décision, les choix sont cornéliens entre le laser, le Xenon. Lequel reste très demandé encore et prédominant sur nos métiers en général, au cinéma bien entendu. Et puis, en intégration, nous recevons des demandes en laser, en Led, en écran Led, tant en cinéma que hors cinéma.
L’événementiel, le mapping ne vous tentent-ils pas ?
De nombreuses entreprises opèrent déjà sur ces marchés. Le mapping a été très vulgarisé dans le temps. Comme tu le sais, nous avons été à l’initiative (dans nos précédentes expériences !) des premiers grands mappings, des premières mondiales, je pense notamment à Québec. Mais, depuis, le mapping est devenu très commun chez tous les prestataires audiovisuels, grâce d’ailleurs à des sociétés françaises. Nous n’avons pas le parc adéquat, 90 % de notre parc étant constitué de machines de cinéma absolument pas faites pour le mapping ! D’ailleurs, nombreux sont les prestataires mapping qui nous confient leurs prestations cinéma.
Quel est votre chantier pour les deux prochaines années ?
Les transitions technologiques, tant côté parc de location que prestations chez nos clients, salle de vision, et notamment les mutations technologiques vers le laser et les écrans Led en exploitation postproduction et avant-premières. Ce sont vraiment les grandes mutations technologiques à venir. Nous, 2AVI, allons probablement passer brutalement du Xenon à la Led sur certains dossiers. Les principaux acteurs en la matière sont Samsung et LG, auxquels s’ajoutent quelques autres moins omnipotents et d’autres encore qui arrivent à peine sur le marché.
Vous avez des projets de réalité virtuelle, la simulation ?
Nous sommes effectivement sur des dossiers de simulation en réalité virtuelle, mais en Led exclusivement. Nous ne sommes absolument pas sur les notions de casque de réalité virtuelle, c’est un autre métier ! Des acteurs font ça très bien en France. Quant à nous, nous restons à notre place, sur les grands écrans, nous nous voulons les « dinosaures du hardware » ! J’aime bien cette appellation parce qu’on a toujours cette solution écran projection audio ! Il ne faut jamais oublier l’audio, nous sommes très actifs sur le son, très présents sur cette partie avec notamment un partenaire privilégié pour le cinéma, mais aussi pour les solutions de son immersif.
Quel est votre actionnariat ? Envisagez-vous des acquisitions ?
Le capital de 2AVI et de Treedy est 100 % privé. Une nouvelle acquisition n’est pas exclue, nous sommes en pourparlers avec des acteurs. Les années 2020 et 2021 n’ont pas été faciles pour tous, des sociétés sont à l’écoute, en demande effectivement d’une nouvelle synergie.
Quelques mots pour terminer…
Pour résumer, 2AVI ce sont des activités cinéma hors exploitation, une partie « audiovisuel professionnel » et réalité virtuelle avec comme point de connexion la 3D et les écrans Led, avec en transversal la maintenance. C’est sur ce dernier sujet que nous faisons notre possible pour avancer, nous ne brûlerons pas les cartes aujourd’hui. Mais il est vrai, qu’à l’automne 2022, nous devrions disposer de locaux plus adaptés à toutes nos activités.
Est-ce à dire que vous allez déménager bientôt ?
Cette réalité prend du temps parce que nous souhaitons rester à Palaiseau, dans l’Essonne, à proximité de la gare, ce qui constitue un véritable défi. Nous œuvrons énormément sur le sujet. Nous comptons finaliser ce projet à l’automne 2022 de manière à être complètement opérationnels à la rentrée. Nous disposons aujourd’hui d’un total de 650 m². Nous cherchons à doubler cette surface, notamment pour le SAV, un showroom, travailler un peu plus en pilote et améliorer l’optimisation du stock qui se limite actuellement à 450 m². Le foncier est très tendu sur la ville pour des locaux mixtes. La difficulté pour une entreprise comme la nôtre est de repérer le pile-poil 1 500 m² qualitatif, on trouve 4 000 m², 500 m², point de terrain vierge par ici ! Il n’est pas exclu que nous soyons obligés de revoir notre copie d’ici un mois ou deux si nous ne réussissons pas à finaliser un dossier. Mais quitter la ville poserait problème à certains de nos collaborateurs. Et ici comme ailleurs, ce sont eux qui font l’âme de l’entreprise et je tiens ici à saluer l’ensemble de cette équipe si précieuse. Rendez-vous, je l’espère, à l’automne pour une belle opportunité événementielle !
Article paru pour la première fois dans Sonovision #26, p. 36-39