Le transport et la distribution d’images vidéo et informatiques sur les câblages à paires torsadées se sont généralisés en entreprise depuis de nombreuses années. Et ce pour plusieurs raisons. Les liaisons HDMI (ou ses cousines comme l’ancêtre VGA, le DisplayPort ou le DVI) sont limitées en longueur, de l’ordre de 10 à 15 mètres, surtout si les images diffusées montent à des résolutions élevées comme le Full HD ou la 4K. Autre avantage, grâce aux boîtiers extendeurs (ou émetteurs), il est facile d’associer sur une liaison unique à la fois l’image, l’audio, l’USB, des ordres de télécommande et même de l’Ethernet pour piloter ou superviser l’équipement d’affichage. Et tout cela sur un câble unique à quatre paires torsadées qui est devenu la norme des câblages courants faibles dans les bâtiments.
De nombreux industriels spécialisés dans les équipements de commutation ou de distribution d’images informatiques ont complété leurs catalogues avec une multitude de boîtiers émetteurs ou récepteurs pour mettre à profit les caractéristiques des câbles réseau qui innervent les bâtiments tertiaires avec des performances toujours plus élevées. En quelques années les débits sur ces câbles sont passés du 10 Mb/s au 100 Mb/s, puis au Gigabit Ethernet et bientôt au 10 Gb/s.
Comme à chaque fois qu’une innovation technologique se développe sur un nouveau marché, chaque industriel développe sa propre solution avec ses caractéristiques spécifiques, arguant que ses choix sont meilleurs que ceux des concurrents. Et ainsi chacun des grands acteurs du marché a développé sa propre gamme d’extendeurs, de matrices ou d’outils de présentation avec son propre système de transport sur paires torsadées : DX Link chez AMX, DGKat pour Kramer, Digital Media chez Crestron, ou encore DTP et XTP pour Extron, pour ne nommer que les principaux constructeurs largement présents sur le marché français.
Rendre les systèmes à paires torsadées interopérables
En 2010, à l’initiative du concepteur de circuits intégrés Valens, le consortium HDBaseT a été lancé en y associant LG, Sony et Samsung pour définir un standard de transport de signaux audiovisuels numériques sur câbles à paires torsadées. Reprenant les principes des produits propriétaires cités ci-dessus, le premier objectif est de faciliter l’interopérabilité entre des marques différentes et surtout d’intégrer ainsi le boîtier récepteur directement dans les équipements d’affichage, vidéoprojecteurs principalement. Depuis sa création, l’alliance HDBaseT a été rejointe par une trentaine de membres contributeurs dont Aten, Atlona, Aurora, Crestron, Epson, Extron, Panasonic parmi les plus connus, et plus de 200 constructeurs ont choisi d’implanter une interface HDBaseT dans leurs produits.
Comme de nombreuses technologies électroniques et numériques, le standard HDBaseT a évolué depuis sa création. Il est passé d’une version 1.0 au départ, limitée à la transmission des signaux de base : vidéo, audio, télécommandes infrarouges et RS-232, à une version 2.0 apportant des fonctionnalités « plug and play », le transport des signaux USB 2.0, de meilleures performances pour les résolutions 4K, du transport multi-stream et la transmission sur fibres optiques.
Au fil des ans, le consortium a apporté d’autres améliorations et il regroupe toutes les fonctionnalités du HDBaseT sous la terminologie « 5Play » pour indiquer que le transport de cinq fonctions ou signaux est assuré sur un câble unique quatre paires de type Cat 5e, d’une longueur maximale de 100 mètres. Les éléments constituants le « 5Play » sont l’audio/vidéo, les signaux de télécommande (IR, CEC et RS-232), l’USB 2.0 (clavier/souris), le réseau Ethernet à 100 Mb/s et enfin l’alimentation électrique en PoH avec une puissance maximale de 100 watts.
Le HDBaseT n’est pas de l’IP
L’emploi du câble à paires torsadées muni de connecteurs RJ-45 pourrait laisser supposer qu’il s’agit d’une transmission de type réseau en IP ; il n’en est rien. Une liaison HDBaseT est de type point à point reliant une source à une destination unique basée sur une transmission asymétrique des données exploitant une modulation PAM 16, Pulse Modulation Amplitude à seize niveaux. Le débit de la voie montante peut atteindre un débit de 8 Gb/s tandis que la voie retour se limite à 300 Mb/s. Afin d’assurer une parfaite compatibilité avec les signaux HDMI, la version 2.0 du HDBaseT est totalement transparente pour les signaux de télécommande CEC, la reconnaissance des résolutions d’écrans EDID et la protection de contenus HDCP.
Concernant la transmission des commandes RS-232, il faut savoir que les liaisons HDBaseT ne prennent en charge que les câbles connectés aux broches TD, RD et masse, à l’exclusion de tout signal de contrôle de flux. Le débit est limité à 115 kb/s. Le transport des signaux de télécommande infrarouges est traité selon deux modes. Dans le mode A, les données IR sont filtrées et transmises telles quelles sans la porteuse de modulation. L’émetteur IR, intégré dans le module émetteur à proximité de la source doit donc recréer cette porteuse pour envoyer les commandes vers un lecteur. Le signal IR est limité à une porteuse de 38 kHz au maximum. Dans le mode B, les commandes IR sont transmises avec la porteuse qui, dans ce cas, peut monter jusqu’à une fréquence de 60 kHz. Lors du choix d’équipement, bien vérifier que le type de mode IR, A ou B, est reconnu par les modules d’émission et de réception aux deux extrémités de la liaison.
Le transport des signaux Ethernet est de type Full Duplex, mais limité à 100 Mb/s. Il sera réservé au transport de commandes et à la supervision des équipements gérés au travers d’un réseau local et évite donc de prévoir un point d’accès réseau à proximité d’un équipement de diffusion comme un vidéoprojecteur. Lorsque les modules HDBaseT sont équipés de ports USB, ceux-ci sont de type USB 2.0 mais acceptent tous les types de transferts : isochrones pour les webcams ou l’audio, transferts de blocs pour des fichiers, des liaisons interruptibles pour des claviers ou souris et des commandes à distance. Mais avec deux limitations, une prise en charge maximale de sept appareils et une bande passante maximale de 190 Mb/s.
Les classes du HDBaseT
L’objectif initial des fondateurs du consortium HDBaseT était de définir une norme commune d’échange entre les équipements répondant à ce standard afin de garantir une interopérabilité. Hélas il a fallu tenir compte des évolutions technologiques, de la montée des résolutions d’image avec le passage de la HD à la 4K. La publication de la version 2.0 en 2013 n’a pas suffi à prendre en compte toutes ces modifications et ses initiateurs ont été obligés de définir des sous-catégories, appelées classes dans le standard en fonction de la résolution (HD ou 4K), du type de câbles et de la longueur maximale de la liaison (voir le tableau ci-joint). Au-delà de cette répartition en cinq classes, il existe également un mode longue distance (ou Long Reach) autorisant des liaisons jusqu’à 150 mètres de longueur, mais avec des restrictions sur les résolutions, car basé sur une modulation PAM8 à huit niveaux au lieu de seize comme dans la version de base.
Lors du déploiement d’un réseau de diffusion images, l’un des premiers choix à propos des équipements concerne le format (ou la résolution) et le taux de rafraîchissement des images transportées et affichées. Les limites physiques des liaisons HDBaseT ne sont pas définies par rapport à ces résolutions (720p, 1080i/p ou 4K) mais par rapport à la fréquence maximale du pixel clock du signal vidéo. Pour le HDBaseT v1.0 et v2.0, cette valeur est au maximum de 340 MHz (avec une bande passante de 8 Gb/s). C’est-à-dire que les images 720p, 1080p et 4K/30Hz/4:4:4 ou 4K/60Hz/4:2:0 sont transmises sans difficultés. Par contre, les images 4K/60Hz/4:4:4, conformes au HDMI 2.0, conduisent à une fréquence de pixel clock de 594 MHz avec une bande passante de 18 Gb/s, au-delà des possibilités permises par la modulation PAM16.
L’alliance HDBaseT promet une évolution future de son standard autorisant ces résolutions en mode natif sans compression. Pour l’instant, pour transporter des images à ces résolutions et taux de rafraîchissement, il est nécessaire de passer par une légère compression de type VLC (Visually Lossless Compression) basée sur la technologie Display Stream Compression, définie par le VESA. L’algorithme intervient ligne par ligne, avec un taux de compression de l’ordre de 2:1 ou 3:1 avec une dégradation imperceptible et une latence extrêmement faible.
Le PoH pour alimenter les équipements à distance
S’appuyant sur les spécifications de l’alimentation PoE, qui permet de fournir la puissance électrique à un terminal informatique depuis un switch réseau, l’alliance HDBaseT a défini la fonction PoH qui offre la possibilité d’alimenter électriquement un module récepteur depuis le module émetteur (ou la matrice) via le câble de liaison à paires torsadées. Le PoH fournit jusqu’à une puissance de 100 W au maximum et il est compatible avec les matériels de type PoE. Un protocole de négociation fixe la puissance distribuée selon le niveau le plus haut des deux équipements. Outre les aspects de puissance fournie et reçue, l’usage du PoH a des incidences sur le raccordement des blindages des câbles et des mises à la terre des équipements. L’alliance HDBaseT a publié des recommandations précises sur ces points.
La seule mention HDBaseT sur le connecteur d’un équipement ne suffit pas à garantir une interopérabilité avec un autre équipement, fût-il de la même marque. La palette de fonctionnalités disponibles, les résolutions des images transmises selon les classes, obligent l’installateur à bien vérifier les caractéristiques du matériel qu’il compte installer. D’autre part, l’alliance a mis en place un programme de certification de tous les équipements compatibles HDBaseT pour vérifier le parfait respect de ses spécifications. Pour faciliter les choix et garantir un bon fonctionnement lors de l’installation, elle a mis en place sur son site un moteur de recherche détaillant les éléments du standard pris en compte pour chaque matériel validé. Lors de la conception d’une installation, il est impératif d’aller le consulter pour éviter les mauvaises surprises.
Veiller à la qualité des câblages
Outre les équipements dotés d’interface HDBaseT (émetteurs, récepteurs, sélecteurs, matrices…), l’un des facteurs clés dans la qualité de la transmission des images vidéo et du son repose sur les performances du câblage à paires torsadées assurant le transport des signaux. Le câble réseau utilisé doit être au minimum conforme au câble cat. 5e. Mais selon les distances et les résolutions d’images, il est parfois nécessaire d’aller au-delà avec du câble cat. 6a. Il est impératif de respecter les recommandations habituelles pour un câblage réseau classique (rayon de courbure, cheminement à distance des courants forts, aucune contrainte mécanique lors du tirage, pas de serre-câble…).
L’alliance recommande d’employer du câble avec blindage et de réduire au maximum la longueur dénudée au niveau des connecteurs. Sur son site elle publie plusieurs documents, hélas en anglais, détaillant les bonnes pratiques pour la mise en place des câblages transportant les signaux HDBaseT. Leur lecture est fortement recommandée pour toute mise en place d’une infrastructure HDBaseT, surtout si la pose du câblage est assurée par des sous-traitants moins au fait des subtilités et des particularités spécifiques au transport de signaux audiovisuels. Une recette complète des câblages posés avec relevés de mesures est indispensable pour éviter d’éventuelles déconvenues lors de la mise en place des équipements audiovisuels. Il existe des testeurs HDBaseT qui facilitent le travail de test des liaisons posées et la détection des éventuels défauts.
Quel avenir pour le HDBaseT ?
Au fil des années le HDBaseT est devenu une technologie mature déployée sur de nombreux sites. L’émergence de l’AVoIP et du SDVoE (voir l’article page 36) vient modifier cette prééminence avec des arguments pertinents, mais de nombreux intégrateurs restent attachés aux techniques de transport sur paires torsadées, propriétaires ou standardisées, par crainte d’affronter l’univers des réseaux IP. Ainsi Fabien Noyant, directeur commercial France d’Aten, constate que : « La distribution en HDBaseT reste encore économique par rapport à des alternatives en IP. Et surtout un certain nombre d’intégrateurs n’ont pas encore en interne toutes les compétences nécessaires pour déployer et exploiter les réseaux IP fonctionnant en multicast et en mode managé. »
De son côté Michel Perrin, responsable de l’espace de démonstration Mylab à Suresnes a déployé un réseau AVoIP avec la technologie SDVoE dont il est un chaud partisan. Néanmoins, il estime que « le HDBaseT n’est pas mort et se justifie encore dans certaines situations. Nous le mettons en avant avec ses qualités propres pour aller vers de nouvelles solutions complémentaires à l’IP mais moins onéreuses. Par contre la matrice hardware HDBaseT, avec ses dimensions rigides, est en perte de vitesse. »
Il est évident que le basculement vers l’AVoIP est inéluctable à terme. Des rumeurs récurrentes annoncent que le consortium HDBaseT réfléchit à un basculement de sa technologie vers l’IP, mais cela semble prendre du temps. Avec le SDVoE, le consortium concurrent a pris une réelle avance, même si en France il y a encore peu d’installations réalisées avec cette technologie.
Le prochain salon ISE permettra aux visiteurs de mesurer le poids de chaque consortium sur le marché et dans quelles directions les industriels font évoluer leurs produits : technologie propriétaire, HDBaseT, ou SDVoE.
Article paru pour la première fois dans Sonovision #18, p.32-34. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.