Sonovision : La réforme du marché conception-réalisation proposée par XPO (Fédération des concepteurs d’expositions), qui regroupe les concepteurs d’exposition (muséographe, scénographe, designer lumière, graphiste, réalisateur multimédia…), rejoint-elle vos préoccupations ?
Roland Roy : Nous adhérons totalement à cette démarche qui vise à mieux organiser les marchés de la scénographie auprès des maîtres d’ouvrage, notamment les marchés publics. Si les ambitions demeurent toujours aussi élevées, les ressources affectées aux projets scénographiques ont fortement diminué en termes de budget, mais aussi de moyens mis à disposition par les collectivités. Ce sont de véritables enjeux culturels, mais aussi économiques et touristiques.
En tant qu’intégrateur d’équipements audiovisuels, quel est votre constat ?
Dans les collectivités locales, les services administratifs, juridiques et financiers ont pris de plus en plus le pouvoir sur les acteurs, y compris sur le maître d’ouvrage en charge de la réalisation du projet. Nous sommes dans une vision « tableur Excel » : lors d’un appel d’offre public par exemple, nous devons passer par une plate-forme en ligne commune pour déposer nos questions et échanger avec les acteurs du projet… Nous pâtissons tous de cette incohérence entre les moyens et les ambitions.
Le marché conception-réalisation n’aurait-il que des avantages ?
Il a au moins cette vertu d’obliger les partenaires d’un projet à coopérer ! En travaillant ensemble, tous les intervenants dépendant de la maîtrise d’ouvrage (chef de projet, bureau d’étude, programmiste, concepteurs…) œuvrent à rendre le projet le plus cohérent possible.
Le marché privé maîtrise-t-il mieux les projets dont il passe commande ?
Les interlocuteurs se montrent déjà plus impliqués dans leurs projets ! Et le coût est souvent mieux maîtrisé. Au château du Clos-Lucé (Amboise) par exemple, un musée privé dédié à Léonard de Vinci, le projet scénographique (scénographie Arc-en-Scène) à base de vidéomapping autour des peintures a été particulièrement bien mené. Dans le public, son coût aurait été certainement plus élevé.
En tant qu’intégrateur audiovisuel, auriez-vous aussi d’autres préconisations à proposer ?
Nous constatons que de très belles réalisations se dégradent parce que le coût de fonctionnement nécessaire à leur pérennité a été sous-estimé. La mission des entreprises s’arrête trop souvent à la livraison du projet alors qu’il faudrait anticiper l’obsolescence des équipements audiovisuels et lui allouer des budgets de maintien en conditions opérationnelles. Comme le fait, par exemple, le musée d’Histoire de Nantes-Château des Ducs de Bretagne qui consacre tous les ans une part significative de ses budgets à la maintenance, mais aussi au renouvellement d’une partie du matériel (tous les trois ou quatre ans). Le marché conception-réalisation ne considère que le problème de la réalisation, mais pas celui de la maintenance ni du fonctionnement.
Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #19, p. 82-88. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.