Les téléviseurs et les écrans informatiques se partagent entre deux technologies, d’un côté les écrans LCD et de l’autre l’Oled. Chacune d’elles présente des avantages et des inconvénients qui font l’objet de multiples débats entre leurs partisans respectifs.
Les écrans LCD sont conçus autour de deux éléments : un système de rétro-éclairage, maintenant constitué de Led placées derrière la dalle, soit sur son pourtour (Edge LCD) soit réparties sur le fond de l’écran (Full Led).
Ces diodes émettent une lumière qui vient traverser des cellules à cristaux liquides dont la transparence varie en fonction de l’information qui leur est appliquée. Les cristaux liquides laissent toujours passer un peu de lumière résiduelle même quand la valeur lumineuse est égale à zéro, d’où l’impossibilité d’obtenir de vrais noirs, critique récurrente des amateurs de cinéma vis-à-vis des écrans LCD.
Les écrans Oled sont constitués d’éléments organiques – le « O » de Oled – qui émettent directement la lumière en fonction de la tension reçue. Quand le niveau lumineux reproduit est égal à 0, l’élément Oled est réellement éteint, donc noir. À l’opposé, le niveau lumineux maximal émis est plus faible que celui des écrans LCD. Ils offrent donc un très bon rapport de contraste et hélas avec l’inconvénient d’une diminution de leurs caractéristiques électroluminescentes au fil du temps.
Les microled, héritières des murs vidéo à LED
Une troisième technologie d’écrans vidéo commence à émerger. Il s’agit des écrans à microled qui ont pour ambition de combiner les qualités respectives de l’Oled et du LCD. Cette nouvelle technologie reprend le principe des murs vidéo à Led, largement déployés dans les stades et les grands halls publics. Chaque pixel de l’image est constitué d’un triplet de diodes Led, rouge, verte et bleue, et reproduit chaque point de l’image en fonction de son contenu. Comme le spectateur est éloigné d’au moins une dizaine de mètres, la structure discontinue de l’image n’est pas un handicap et il a l’impression de voir une image continue comme sur un écran LCD normal.
Au fil des années les constructeurs spécialisés dans ce type de mur d’image ont diminué la taille des diodes Led pour réduire l’espace interpixel appelé le pitch. Les tout premiers écrans étaient construits avec un pitch de l’ordre de 20 mm, et au fil des améliorations apportées à la technologie des Led, la valeur du pitch descend à moins d’un millimètre, pour les rendre utilisables en intérieur ou dans des grandes salles de réunion.
Les écrans à microled sont construits sur le même principe, mais en réduisant la taille de tous les éléments avec un facteur d’échelle compris entre 10 et 20. Le pitch entre chaque pixel descend à une valeur de quelques dixièmes de millimètres pour atteindre une densité de pixels similaire à celle d’un écran LCD classique. La taille des diodes est de l’ordre de 50 μm, de manière à offrir autour de chacune d’elles une large surface sombre permettant d’obtenir un vrai noir lorsque les pixels sont éteints. Les écrans à microled fonctionnent donc selon un principe émissif comme les dalles Oled, mais avec un niveau de puissance beaucoup plus élevée, dépassant les 1 000 cd/m2. En jouant sur les éléments actifs de la Led, il est possible d’obtenir un spectre colorimétrique beaucoup plus large et par là même, un gamut couleur plus étendu. La consommation électrique reste limitée et, contrairement à la technologie Oled, les diodes Led sont beaucoup plus stables dans le temps.
Un processus de fabrication très complexe
Malgré tous ces avantages, le processus de fabrication des écrans à microled reste la pierre d’achoppement de cette nouvelle technologie. Les microled sont fixées directement sur un substrat de silicium Cmos qui sert à la fois de support mécanique et de réseau d’alimentation et de commande. Les microled, de type nitrure de gallium et d’indium, sont fabriquées de manière traditionnelle sur des disques de silicium (ou wafers). Le support interne de l’écran, un substrat de type Si-Cmos, est muni de microcavités dans lesquelles on vient placer les microled et ensuite les connecter au réseau de commandes. Et c’est cette étape qui est la plus délicate, vu l’échelle microscopique de l’assemblage.
Plusieurs techniques sont testées avec, soit des transferts de panneaux entiers de microled (de 1 000 à 100 000 unités) afin de gagner en productivité, et ce pour chaque couleur, soit par soufflage des microled en suspension dans un gaz et guidage électrostatique. L’objectif est d’obtenir des temps de transfert raisonnables pour réduire le coût de production, sachant que pour un écran TV classique le nombre de microled à transférer est de l’ordre de 25 millions. Les écrans de petite taille, avec un nombre limité de pixels, semblent plus faciles à réaliser malgré une densité élevée de pixels, mais avec un taux de défaut plus faible.
L’écran Crystal LED de Sony
Sony est le premier constructeur à proposer un écran vidéo, plutôt un mur vidéo, basé sur la technologie des microled. Ce dispositif est dénommé Crystal Led Display System et a parfois été désigné aussi sous l’acronyme CLEDIS, maintenant abandonné. Il est destiné à l’affichage vidéo dans des espaces publics ou de vastes salles de réunion. Comme pour les murs vidéo à Led, il reprend le principe de modules d’affichage carrés d’environ 40 cm de côté, à assembler pour obtenir la surface et la forme d’écran désirée. Cela permet d’adapter sa taille à l’espace disponible, mais aussi de créer des ratios d’écrans particuliers ou des formes géométriques spécifiques.
Chaque module référencé ZRD-1 offre une résolution de 320 x 360 pixels avec un pitch de 1,26 mm, soit une résolution de 20 ppi. Il est muni sur ses quatre bords de dispositifs de verrouillage mécanique de manière à constituer un écran continu sans bords visibles au niveau de la jonction. La technologie microled offre des performances équivalentes aux meilleurs écrans actuels : une luminosité de 1 000 cd/m2, un rapport de contraste supérieur à un million, un angle de vision de 180 ° à la fois dans le sens horizontal, mais aussi en vertical, et un espace colorimétrique supérieur à 140 % du sRGB. Le taux de contraste est particulièrement élevé car Sony privilégie la surface du fond d’écran noir par rapport à la taille des Led. Pour chaque pixel, celles-ci occupent une surface de 0,003 mm2 soit 1 % de la surface du pixel et donc 99 % réservés au fond noir.
Le contrôleur Sony ZRCT-100 convertit les signaux vidéo DVI ou DisplayPort dans le format propriétaire des modules ZRD-1. Il est équipé de quatre entrées DVI et de deux DisplayPort et de sorties RJ-45 pour y raccorder au maximum de 72 modules pour constituer un écran de 4,80 m de large sur 2,70 m de haut. Selon les entrées, il accepte des signaux HD et UHD avec des fréquences de rafraîchissement jusqu’à 100p ou 120p, codés sur 8 ou 10 bits (DisplayPort uniquement) et en mode RGB 4 :4 :4.
De son côté, Samsung a présenté, lors du dernier CES à Las Vegas, un premier écran basé sur la technologie microled, dénommé « The Wall » eu égard à sa diagonale de 146 pouces, soit 3,70 m. Il reprend le même principe de construction que l’écran Crystal Led de Sony, des modules de taille raisonnable que l’on assemble pour adapter les dimensions ou à la forme de l’écran . Pour l’instant Samsung n’a dévoilé aucune information technique sur ce nouvel écran qui devrait être commercialisé d’ici la fin de l’année à un prix comportant au moins cinq zéros.
Le mode d’assemblage par modules, identique chez les deux fabricants, montre qu’ils sont encore confrontés à des problèmes d’industrialisation évoqués plus haut. La résolution reste faible, 20 pixels par pouce chez Sony et 25 pour Samsung, à comparer aux 80 ou 90 ppi des téléviseurs actuels. C’est la raison pour laquelle ils visent des dimensions imposantes pour des espaces publics, avec une distance de vision élevée.
Généralisation des écrans à microled ou marché de niche ?
Tous les industriels engagés dans l’étude et la fabrication de dalles à microled promettent la généralisation de cette technologie à de multiples dispositifs d’affichage, téléviseurs, ordinateurs portables, smartphones, tableaux de bord d’automobiles, mais aussi pour des écrans de petite taille comme les montres ou les casques de réalité augmentée. Et ce avec des densités d’affichage beaucoup plus élevées, de 500 ou 600 ppi ; certaines études annoncent même du 1 000 ou 2 000 ppi. Il est évident que de telles valeurs sont encore loin d’être atteintes avec des processus de production à large échelle. Apple s’intéresse de près à cette technologie pour ses montres et ses smartphones, puisque dès 2014 la société a racheté le spécialiste LuxVue et qu’elle teste en secret des terminaux équipés en microled. LG de son côté s’y intéresserait pour ses smartphones.
Soit les industriels parviennent à résoudre ces difficultés de production à un coût raisonnable et la technologie des microled, avec ses performances renforcées, balaiera les dalles LCD et Oled pour devenir prépondérante sur tous les dispositifs d’affichage, ou bien les difficultés d’industrialisation subsistent et cette technologie restera cantonnée à des marchés de niche ou pour des dispositifs haut de gamme. Pour l’instant, il est impossible de prédire le scénario de son développement. Mais les évolutions technologiques récentes nous ont appris que la physique des composants et la puissance de l’industrie électronique recélaient des trésors d’innovation insoupçonnés, aptes à nous offrir des matériels aux caractéristiques et performances inimaginables il y a seulement une vingtaine d’années.
* Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #11, p.70-71. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.