L’immersion digitale, l’eldorado des musées

Immerger les visiteurs dans une exposition n’est pas une nouveauté, comme l’a si brillamment détaillé Sophie Egly, autrice du livre, Expo - Les expositions qui ont marqué Paris depuis 1900 (Éditions Scala, mai 2019). Mais elle change de nature grâce aux développements technologiques tels que la réalité virtuelle, le mapping ou la réalité augmentée.
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Face à la multiplication des offres culturelles, les installations immersives connaissent un essor ces dix dernières années et elles permettent de faire la différence. Selon Marie-Sandrine Caducal, directrice générale du pôle culture de Nova Consulting, on peut tout d’abord imputer cet engouement aux nouvelles habitudes liées au numérique. « La société a été bouleversée par cette consommation digitale : le monde de la culture a ainsi trouvé un moyen d’attirer de nouveaux publics, notamment les “digitals natifs”. C’est aussi un outil formidable pour toucher des publics qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les musées. »

Selon une étude réalisée par ce cabinet de conseil, sur 10 000 personnes habitant en France, 90 % souhaitent ce type d’approche immersive et dynamique permettant des interactions au sein des musées. En outre, grâce aux développements technologiques, il est possible de proposer de nouveaux contenus, des expériences différentes. C’est une vraie opportunité pour ces institutions culturelles : cela leur permet de se distinguer ; mais attention, proposer une expérience immersive digitale ne sera bientôt plus suffisant, celle-ci doit être novatrice, solide et basée sur des contenus originaux où la VR, l’interactivité ne sont pas des gadgets.

Ainsi, MK2 + (la branche événementielle et VR de MK2, dirigée par Elisha Karmitz) a imaginé pour Altarea Cogedim, un aquarium numérique, Océans. Installée dans le centre commercial Cap3000 et visible jusqu’en juillet prochain, cette plongée virtuelle a été réalisée en partenariat avec l’Institut océanographique de Monaco, garante de la solidité scientifique de cette expérience immersive. Si les visiteurs souhaitent vivre une expérience différente de ce qu’ils vivent au jour le jour, comme le souligne Roie Amit, directeur du numérique de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, s’appuyer sur des contenus validés par les spécialistes est obligatoire. L’une des prochaines expositions immersives présentées à partir du 26 mars au Grand Palais, Pompéi, découle parfaitement de cette démarche : expliquer, instruire et faire vivre une expérience au sein d’un musée, sans faire l’impasse sur l’expertise des historiens, archéologues, etc.

 

Déconstruire une démarche artistique avec le visiteur

Présentée jusqu’en janvier 2020, l’exposition Leonardo : Experience a Masterpiece à la National Gallery relève de la même idée. Pour Lawrence Chiles, responsable numérique de la National Gallery de Londres, l’objectif était de trouver un moyen pour que le public s’arrête plus longtemps sur les œuvres et ne fasse pas que passer une poignée de secondes. Cette visite a été construite autour d’une des toiles emblématiques de la National Gallery : La Vierge aux rochers, de Léonard de Vinci et des frères de Predis, une commande exposée dans une église détruite lors de la campagne napoléonienne.

Un des objectifs de cette exposition était que le visiteur n’ait plus l’impression d’être dans un musée. Pour cela, la société 59 Productions a imaginé une installation de boîtes composées d’images qui ont inspiré l’artiste, de textes issus de ses carnets de la période où il a réalisé cette toile.

L’une des gageures était aussi de montrer les différentes étapes de la création de la Vierge aux rochers. Les experts du musée ont en effet découvert des couches successives sous la peinture définitive. Après avoir été confronté aux murs de la boîte, le public entre dans un atelier pensant découvrir la toile. C’est en fait un écran présentant toutes les étapes de cette peinture sur laquelle l’artiste a travaillé pendant plus de quinze ans. L’espace suivant visait à traduire les jeux complexes d’ombre et lumière de manière ludique afin d’engager les jeunes visiteurs à être actifs.

Enfin, les deux derniers espaces entraînaient les badauds dans une reproduction imaginaire de l’église de San Francisco Grande. Le tout était représenté par des mappings de Milan et du plan de l’église. Grâce aux recherches des historiens, des projections proposaient les sculptures qui entouraient la Vierge aux rochers, selon les différentes hypothèses suggérées par les experts. Enfin, à la fin de l’exposition, on pouvait découvrir la toile elle-même.

Pour prolonger ce type de muséographie, la National Gallery a signé un accord de RD avec le prestigieux King’s College et a créé la National Gallery X, un programme collaboratif visant à explorer le potentiel des nouvelles technologies et à inventer le musée du futur. Ce dernier se traduit notamment par des résidences d’artistes, des conférences, ainsi que par la mise en place d’un lieu spécifique permettant de tester in situ les prochaines installations.

 

Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #18, p.42-43. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.