L’équipement classique audiovisuel d’un amphithéâtre comprend une sonorisation et un vidéoprojecteur pour afficher les « slides » de la présentation diffusée par le professeur. Ce dispositif est devenu tellement classique qu’à l’Université de Rennes 2, Christian Allio, directeur du Créa, le service audiovisuel central, a fait équiper la trentaine d’amphithéâtres et 300 salles de travaux dirigés, soit environ 80 % des locaux d’enseignement. Il constate que l’équipement systématique renforce le taux d’utilisation des salles de cours : « Les salles équipées en audiovisuel sont utilisées entre 1 000 et 1 200 heures par année universitaire, alors que celles sans équipement voient leur taux d’usage stagner à 350-400 heures. »
La demande croît sans cesse et il faut passer à un équipement systématique de l’ensemble des salles d’enseignement. Chaque année, son service équipe 20 à 25 salles nouvelles et renouvelle aussi l’équipement des locaux déjà pourvus, entre autres pour passer au HDMI. Il procède aussi au remplacement des vidéoprojecteurs à lampes par des modèles à laser avec une maintenance plus légère. Pour la simplifier, il a choisi un fabricant unique pour l’ensemble du parc : Epson.
Les petites salles sont équipées d’un modèle courte focale avec fonction de TBI. En cas de panne, l’un des cinq techniciens de l’équipe doit pouvoir intervenir très vite. Le système de supervision déployé sur l’ensemble du campus est une aide appréciable pour assister les utilisateurs. Chaque système de vidéoprojection est complété par un mini automate en simplifiant et unifiant les panneaux. Christian Allio constate que la connaissance et la maîtrise des outils s’améliorent au fil des années, car les étudiants et les professeurs appréhendent mieux les logiques de fonctionnement.
Rendre son amphithéâtre interactif
Un nouvel outil interactif fait son apparition dans les amphithéâtres : le vote électronique. Jusqu’à présent ce mode de consultation exigeait un équipement dédié, mais comme les étudiants viennent quasiment tous en cours avec leurs smartphones, des professeurs se disent : « Autant exploiter ce terminal de manière active pendant notre cours, plutôt que les laisser s’évader en pianotant sur les réseaux sociaux. »
Plusieurs services sont proposés sur le web. Le principe consiste à préparer à l’avance un vote ou un questionnaire de type QCM. Un lien d’accès avec un code est proposé en retour. Avec leurs terminaux, les étudiants se connectent sur le service avec le code d’accès et choisissent leurs réponses. Plusieurs modalités de vote ou de questionnaire sont proposées au moment de la conception du questionnaire. Parmi les systèmes disponibles, on peut citer : Socrative, Toreply ou Kahoot. Une mention particulière pour Votar fonctionnant avec un simple smartphone sous Android.
Les participants reçoivent une feuille A4 avec quatre carrés de couleurs imprimés au recto. Au verso, sont inscrites les quatre lettres A, B, C et D correspondant aux choix de vote et à une orientation de la feuille. Au moment du vote, ils orientent le recto vers le professeur, dans la position de leur choix. Puis, le professeur prend une photo de l’auditoire avec son smartphone. Le logiciel Votar analyse la photo, détecte l’orientation de la feuille et affiche immédiatement les résultats de la consultation.
La classe inversée
L’usage de ce type d’outils interactifs a pour ambition de rendre les étudiants plus actifs lors d’un cours magistral. Avec la généralisation des outils BYOD (Bring Your Own Device), cette ambition s’inscrit dans une démarche plus large intitulée « classe inversée ».
Jusqu’à un présent, la démarche d’apprentissage se déroule en deux temps : le cours magistral durant lequel le professeur transmet ses connaissances ; puis, l’étudiant, une fois rentré chez lui, effectue son travail personnel (exercices ou rédaction d’un document) en reprenant ses notes. Avec le concept de classe inversée, des pédagogues ont proposé d’inverser les deux phases. Débuter le module d’enseignement par une phase de travail personnel en consultant des documents écrits ou multimédias pour acquérir les connaissances de base. La généralisation du numérique et des accès Internet facilite grandement la distribution préalable des documents pédagogiques. Ensuite, les étudiants participent au cours qui abandonne son côté magistral pour s’organiser autour de travaux et d’exercices menés collectivement avec l’aide de l’enseignant, et d’exposés complémentaires sur les points du cours mal assimilés.
Ces activités sont plus efficaces lorsqu’elles se déroulent en petits groupes. Des locaux de plus petite taille, comme des salles de travaux dirigés, sont mieux adaptés. En les équipant d’outils de diffusion audiovisuelle et de systèmes numériques interactifs, des professeurs assistés par des équipes d’ingénierie pédagogique spécialisés dans les TICE ont fait évoluer ces salles vers des espaces de travail collaboratif et interactif, désignés aussi sous le concept de « Learning Lab » pour faire plus tendance !
L’explosion des Learning Labs
De 2000 à 2012, le développement d’Internet et des outils informatiques a poussé les établissements d’enseignement supérieur et de formation continue à évoluer d’un enseignement en mode présentiel sur place vers des espaces virtuels et une transmission des connaissances à distance. D’où le lancement de cours sous forme de Mooc et autres systèmes d’e-learning.
Après un engouement autour de ces méthodes innovantes, on constate un retour de balancier avec la tendance à réunir physiquement les étudiants autour de travaux menés en commun, assortis d’échanges en petits groupes pour enrichir la démarche pédagogique. D’où la multiplication de ces Learning Labs qui associent un lieu de rencontre avec tous les outils numériques de consultation et d’échanges. Il s’agit d’une tendance forte, encore en phase expérimentale, mais de nombreux établissements s’équipent de Learning Labs, et pas seulement dans le secteur universitaire.
La plate-forme d’innovation Iram, de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne, et l’alliance Science & Business (École centrale de Lyon et EMLyon Business School) ont créé le LearningLab Network, une plate-forme d’information et d’échanges qui regroupe 63 membres autour de la création de ces nouveaux espaces d’enseignement. Parmi ceux-ci, des universités, des IUT, des grandes écoles et des services formation de grandes entreprises.
Les Learning Labs sont agencés autour de deux concepts : réunir dans un lieu de formation tous les outils numériques de consultation, d’échanges et de communication, aménager le local avec des équipements et des mobiliers flexibles facilitant de multiples configurations de travail.
Un lieu modulaire d’échanges et de transmission de connaissances
Parmi les membres du LeraningLab Network, l’université d’Angers, qui a mis en place en début d’année deux salles configurées en Learning Lab, dont le Lab’UA affecté à l’enseignement des langues et l’autre pour les formations de santé. D’une surface de 95 mètres carrés, elles sont aménagées pour accueillir chacune sept groupes de sept étudiants. Chaque groupe travaille de manière autonome dans une cellule équipée d’un moniteur LCD de 43 pouces raccordé à une unité Via Connect de Kramer.
Cette unité permet d’afficher jusqu’à quatre images venant des micro-ordinateurs ou tablettes des étudiants réunis autour de l’écran et reliés en wifi. Toutes les unités Via Connect sont raccordées entre elles pour le travail collaboratif et le partage de documents entre tous les participants et le professeur. Via leur micro-ordinateur, ils ont également accès à leur espace numérique de travail pour lire ou enregistrer leurs propres contenus. Chaque cellule est aussi équipée d’un tableau blanc traditionnel à roulettes.
La salle dispose également de deux TBI, diffusant sur un tableau blanc de très grande taille, et d’un système de visioconférence Cisco. Le professeur dispose d’une unité mobile pour diffuser ses propres documents, qu’il peut renvoyer vers les TBI et vers les écrans des sept cellules, ou bien sélectionner comme source à diffuser l’un des portables des étudiants.
Dominique Duquenne, directrice adjointe à la Direction du développement du numérique, a participé à la conception des deux salles d’e-learning ; elle justifie le choix du système Via Connect : « Le système de diffusion de Kramer a été choisi pour sa souplesse à gérer les échanges entre les postes de diffusion. Il faut également penser aux besoins futurs pour faire travailler deux salles en parallèle. »
L’objectif de ces deux nouvelles salles est de tester de nouvelles pratiques pédagogiques et de faciliter le travail de groupes. Au cours d’une même séance, les enseignants sont amenés à mettre en œuvre plusieurs modes de travail et à agencer la salle comme ils le souhaitent. Dominique Duquenne insiste sur ces aménagements mobiliers : « Une majorité des mobiliers sont équipés de roulettes permettant de changer la disposition de la salle. Le poste de l’enseignant est également mobile. Autre détail pour faciliter le rangement, une couleur a été affectée à chaque cellule et aux dossiers des chaises, y compris sur la page d’accueil du Via Connect. »
Benoît Roques, directeur adjoint de la DSIUN et responsable du service des usages numériques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a participé à la mise en place du PMF Lab (« PMF » pour Pierre Mendès-France, nom du centre universitaire où il est implanté). Il précise immédiatement : « Il ne faut pas confondre le PMF Lab avec un Fab Lab. Ceux-ci sont destinés à la fabrication de prototypes avec du découpage ou des imprimantes 3D. Le Learning Lab est plus orienté vers l’académique et a pour objectif de faire évoluer les pratiques pédagogiques en faisant passer l’étudiant d’un statut passif à celui d’actif en s’appuyant sur toute la palette des outils numériques et interactifs. »
Le PMF Lab de l’Université Paris Panthéon-Sorbonne est aménagé selon des principes similaires à celui d’Angers. Benoît Roques remarque : « Un vidéoprojecteur unique au plafond structure complètement l’agencement et l’usage de la salle. Il faut au contraire démultiplier les écrans sur les murs, raccordés à plusieurs sources. »
La salle est équipée des quatre écrans Samsung 55 pouces reliés à des ClickShare Barco, d’un vidéoprojecteur Laser NEC, d’un TBI Promothean de 70 pouces et d’un système de visioconférence Cisco avec deux écrans 55 pouces. Le département d’archéologie utilise régulièrement le PMF Lab.
Pour organiser des visites virtuelles de chantiers de fouilles, une station de réalité virtuelle a été installée. La salle dispose également d’une imprimante 3D. Cette salle, dite de créativité par ses fondateurs, est complétée par d’autres salles de réunion connectées et d’un plateau audiovisuel dédié à l’enregistrement de modules de cours.
Le Fac Lab de l’université de Tours
Dans le cadre du projet New Teach, l’université François-Rabelais, à Tours, a lancé une consultation pour créer quatre salles qui vont au-delà du concept de Learning Lab. Selon les propos de Jean-Philippe Letourneur, responsable du pôle Audiovisuel à la Direction de la production numérique et multimédia, « le projet consiste en la création de quatre salles ou plutôt d’espaces de création. On propose aux étudiants la possibilité de produire pour leurs pairs. La production universitaire est trop organisée selon les schémas classiques d’écriture. La réalisation des contenus doit passer par les étudiants et ainsi faire passer leur vision du monde. »
Au cours de leur cursus, les étudiants doivent réaliser différents travaux audiovisuels ou multimédias, intégrés dans leur évaluation. Le Fac Lab les aidera à les mettre en forme avec une palette complète de moyens d’expression, tournages vidéo, reportages audio, mais aussi la photo, le painting, et jusqu’au spectacle vivant. Les quatre espaces du Fac Lab seront implantés en centre ville pour être en terrain neutre, sans être rattachés à une composante universitaire ou un département.
Jean-Philippe Letourneur et ses collègues ont imaginé des espaces ouverts aménagés de manière conviviale, avec une grande table de travail au centre, des écrans de travail collaboratif tout autour, reliés grâce à un système Via de Kramer, un box de captation sur fond vert, l’ensemble étant relié aux réseaux de l’université et à Internet.
Les étudiants pourront disposer de prêts d’équipements pour des tournages à l’extérieur ou pour la préparation de spectacles, et recevront l’aide de professionnels pour les projets d’envergure. Le Fac Lab ouvrira ses portes lors du premier semestre de l’année universitaire 2017-2018.
Le weConnect de Barco
Barco, plus connu pour ses vidéoprojecteurs, s’intéresse depuis plusieurs années au marché éducatif. Il y a plus de deux ans, le constructeur avait présenté une interface de présentation collaborative, la NRC-200. C’est une sorte de ClickShare renforcé avec des fonctions de sélection et de modération destinées au professeur. Barco a étendu son système et présente maintenant sous le nom de weConnect une architecture complète de diffusion et de travail collaboratif à l’échelle d’un campus universitaire.
À partir de leurs terminaux BYOD, les professeurs et les étudiants peuvent consulter des contenus diffusés sur place ou à distance, envoyer celui de leurs tablettes ou de leurs PC vers les écrans de la salle sous le contrôle de l’enseignant, poser des questions au professeur, participer à des votes ou répondre à des quizz.
Toutes ces fonctions s’appuient sur l’architecture wifi du campus et sont gérées par un serveur central localisé au service informatique de la faculté ou dans le cloud. Le système est proposé avec plusieurs niveaux de fonctionnalités, selon les types de salles à desservir et la taille du public concerné.
Le campus de Courtrai de l’Université de Louvain en Belgique néerlandophone, désigné plus simplement sous l’abréviation Kulak, s’est équipé d’un système weConnect de Barco. Le système a été déployé en collaboration avec Televic, qui apporte son savoir-faire pour la gestion des contenus multimédias et des salles de classe. Le projet fait l’objet de plusieurs évaluations par les équipes de recherche de l’université, à la fois sur les aspects technologiques, pédagogiques, psychologiques et médicaux.
* Extrait de notre dossier paru pour la première fois dans Sonovision #8, p. 14-21. Abonnez-vous au magazine Sonovision (1 an • 4 numéros + 1 hors-série) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.
La première partie de ce dossier est accessible ici
La suite de ce dossier sera publiée dans les prochains jours.