Équipés d’un casque HoloLens, les visiteurs revisitaient seuls ou à plusieurs, l’histoire du lieu avec l’aide du premier propriétaire, François Miron, prévôt des marchands de Paris. Véritable maître du jeu, ce proche du roi Henri IV les guidait au gré des dates clés de la transformation du château et du parc.
Présentation du concept, l’In Situ eXPerience, par Nino Sapina, l’un des fondateurs de Realcast, start-up accélérée par le Centre des monuments nationaux, Welcome City Lab et Ubisoft dans Station F.
Sonovision : Comment est née cette expérience en réalité augmentée ?
Nino Sapina : Elle est réalisée dans le cadre d’une expérimentation soutenue par Bpifrance, le fonds Innov’up de la Région Île-de-France et le Conseil départemental de l’Essonne. Nous avons déposé un dossier pour la réaliser dans le domaine de Chamarande qui est un lieu parfaitement adapté pour ce que nous souhaitions produire. Nous avons travaillé pendant trois mois pour développer cette expérience interactive qui met en valeur le lieu, explique son évolution à travers quatre siècles d’histoire… Nous avons eu accès aux Archives départementales installées sous la cour des communs du château. L’équipe de Chamarande, avec qui nous avons écrit le scenario et calé les séquences, nous a fourni beaucoup de matériel : nous avons modélisé les différents bâtiments en 3D à partir de plans anciens, de dessins, de peintures, de sculptures, de photographies.
Qui a eu l’idée de faire parler le buste de François Miron, de créer un vrai jeu ?
Nous venons du jeu vidéo. L’approche ludique permet aux visiteurs de s’immerger plus facilement dans les lieux culturels. C’est aussi un moyen d’aborder des thèmes plus sérieux, de dérouler l’histoire du lieu, ses attraits majeurs ou encore cachés…. C’est plus sympathique et plus immersif d’avoir un personnage qui s’adresse à vous. L’attention et l’immersion sont plus fortes lorsqu’on interagit avec un personnage que l’on peut voir, et qui nous aide à avancer. Tout le système est ensuite bâti afin que nous puissions suivre ce qu’accomplit le joueur et nous adapter à ce qu’il fait. Quand on lui propose de prendre un objet, s’il ne le fait pas ou trop tard, le flux va se réguler en fonction de son action. La connivence avec le personnage narrateur se fait ainsi naturellement pour le joueur-visiteur.
Sur quel matériel travaillez-vous ?
Les visiteurs-joueurs sont équipés de casques HoloLens (Microsoft). Nous utilisons le logiciel Unity ainsi que des outils que nous avons développés pour gérer l’aspect multijoueurs, l’interactivité. Nous voulons vraiment que cette expérience soit très simple d’utilisation et très accessible. C’est important que les visiteurs comprennent tout de suite comment cela fonctionne. On augmente la réalité, ce que l’on connaît.
La technologie doit vraiment être invisible pour que les visiteurs soient tout de suite immergés, l’expérience dure 15 minutes ; il faut donc trouver des mécaniques de jeu en adéquation avec le temps de l’expérience et la découverte des contenus culturels.
Nous avons d’excellents retours, toutes générations confondues. Les seniors et les personnes qui ne sont pas du tout habituées à la technologie y arrivent sans problème, sans parler des jeunes générations ! C’était notre but : nous voulons démocratiser l’accès à la culture grâce aux nouvelles technologies. C’est encore un investissement pour les lieux culturels.
De notre côté, car nous sommes en train de créer les outils, cela permet d’ouvrir d’autres champs de possibles, d’approcher la culture différemment tout en veillant à la qualité des transcriptions et de la médiation. Les coûts devraient baisser dès que les casques de réalité augmentée seront déployés à une plus large échelle.
Outre Chamarande à travers les âges, avez-vous réalisé d’autres « In Situ eXPerience » ?
En juin dernier, nous avons travaillé avec le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Dans la médiathèque, nous avons proposé une expérience interactive autour de l’exposition « Enfers et fantômes d’Asie ». Les visiteurs mettaient les casques HoloLens et chassaient les fantômes qui s’étaient échappés de l’exposition. Cela a eu beaucoup de succès.
Malgré le coût et la complexité technique, on constate que la réalité « mixte » ou « étendue » apporte une vraie valeur ajoutée et que le public y adhère vraiment. Nous sommes spécialisés sur la muséographie, car nous voulons nous adresser au plus grand nombre. Nous sommes attachés à la culture : cela peut se traduire dans des musées, des lieux d’accueil… Partout où il y a un lien avec l’Histoire et la Culture au sens large du terme.
Vous proposez essentiellement des expériences en réalité mixte ?
C’est très important pour nous d’associer le virtuel avec ce qui existe déjà. Nous voulons inciter les gens à sortir de chez eux. Nous pensons que le réel va se transformer grâce au virtuel. La réalité augmentée permet de communiquer avec les gens, d’interagir. C’est extrêmement important. De même, nous voulons qu’ils s’approprient l’expérience, que chacun la vive à sa façon, comme quand on joue dans un jeu vidéo. Même si les règles sont les mêmes, chacun visite le lieu selon son chemin. Je suis convaincu que ces expériences vont se généraliser. Le public en a envie.
Quels sont vos projets ?
Nous préparons un projet – encore confidentiel – pour le début de l’année prochaine en Ile-de-France. Nous avons eu beaucoup de contacts de la part des musées. Nous cherchons aussi les meilleurs lieux pour nos expériences. C’est, par ailleurs, une question de collaboration. Nous développons également des projets pour les smartphones, des jeux collaboratifs en réalité augmentée.
Article paru pour la première fois dans Sonovision #13, p.18/19. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.