Les plateaux webcasting pour les entreprises : à chacun son média

Lors du dernier Satis, un plateau d’experts est revenu en détail sur les fondamentaux du webcasting en entreprise, avant de répondre aux questions du public. Un état des lieux du secteur post-Covid s’imposait.
L’informatique, notamment l’utilisation des réseaux IT et la prédominance du NDI, facilite le déploiement des matériels. Il faut toutefois bien savoir à qui on s’adresse, dans quel but et avec quels moyens pour réussir sa réalisation. © Adobe Stock / On-Air © Adobe Stock / Aliaksei

 

Les entreprises se sont tournées vers des studios vidéo pour communiquer devant l’impossibilité de mettre en place des événements. De nombreuses entreprises ont mis en place leur propre studio. Quel est le cahier des charges pour ces studios de nouvelle génération qui intègrent des outils de communication unifiée ? Comment choisir ses caméras, ses éclairages ?

Accompagné de Gilbert Wayenborgh (DigitalNews TV), Fabrice Arades (Rtv Concept), Jean-Louis Blanchard (Canal+) et Étienne Barrier (UniK Production), l’animateur de la conférence, François Abbe, est tout d’abord revenu sur la part de conseil que supposent les métiers du webcasting.

Il conseille par exemple à ses clients de préparer une période de teasing d’une durée de quatre à six semaines. Jean-Louis Blanchard rapporte également qu’il aide les entreprises à réfléchir au contenu : les moyens ne font pas tellement la qualité de la diffusion, il faut adapter l’un à l’autre. Par ailleurs, sur cette question, Fabrice Arades rappelle qu’il est impossible de prédire le coût d’une opération à l’avance : il faut voir les lieux, faire du repérage pour inclure des paramètres comme la luminosité, le débit, l’acoustique.

 

La démocratisation des outils et la pandémie ont accéléré la multiplication des tournages multicaméra pour le live à destination du marché corporate. © Adobe Stock / Quality Stock Arts

Sur toutes ces installations fixes dont vous parlez, qui opère ? En interne ou en externe ?

Fabrice Arades : Les deux en général. Pour installer un studio, l’entreprise doit comprendre que quelqu’un en entreprise s’en occupe, il y aura un référent interne ou un prestataire externe. Avec la crise, on a découvert la communication de crise. Donc forcément, il faut des externes.

Gilbert Wayenborgh : Pour compléter, il y a toujours quelqu’un en interne, un peu comme l’informaticien dans le temps. Il y a une configuration de base qui est faite, on programme des automatismes, mais il y a toujours quelqu’un derrière. Dans une solution vendue, il y a un intervenant qui fait la réalisation, qui s’occupe du réseau, qui dit de couper les vidéos qui tournent si besoin…

Étienne Barrier : Pour le groupe avec qui on travaille, on a formé des intermittents locaux pour qu’ils soient autonomes, avec une personne à plein temps chez eux. Sur Paris, on opère entièrement, c’est plus simple.

 

Tout à l’heure, on a parlé technique et le terme « technologie qui vend du rêve » et « NDI » sont apparus… une mise au point sur ces termes ?

G.W. : Le NDI est une des clés pour passer de la webcam. C’est un protocole réseau permettant de transférer toutes les données vidéo sur IP d’une façon sécurisée. Or, quand j’ai découvert cela en 2016, j’y ai vu une solution pour que n’importe quel ordinateur devienne une caméra. Alors il y a des contraintes : réseau local, consommation de la bande passante, on ne peut pas charger en illimité… Avec la NDI 5, on entre dans de l’ultra compressé permettant de diffuser de la 4K en réseau local et même en dehors avec le bridge qui est sorti.

F.A. : Ça vend du rêve parce que sur le papier, c’est tout ce que l’on veut. NDI c’est une marque, c’est Newtek qui est propriétaire, ils sont allés là où les autres n’ont pas voulu se mettre d’accord : il y a une norme (SMPTE 2110), et personne ne s’est mis d’accord pour dire ce qu’on mettait dedans, car les fabricants n’ont pas tous le même intérêt. NDI, c’est Newtek qui se dit vouloir aller plus vite que les autres, ils le font pour eux, et le laissent utiliser gratuitement. Donc tous ceux qui n’ont pas été d’accord sont contraints de suivre car pendant ce temps, on vend des NDI. Si ça marche, on peut faire, peu importe la source, l’amener à un point et la multiplier. Le problème aujourd’hui, c’est que le rêve doit revenir à la réalité : en faisant le tour du salon, il faut une norme.

G.W. : Concernant le NDI, la latence, c’est aussi un point faible… Du moment qu’on passe à l’informatique, il y a une latence. Même le flux câblé, on entre dans une machine, une image. L’image du duplex au bout du monde voyage en satellite, passe en studio, puis au direct. Il faut donc tester, s’adapter, faire des choix, prendre les mêmes appareils pour qu’il y ait la même latence.

Le problème de la latence sur le NDI, c’est surtout pour la rediffusion en live. Dans nos projets en bureau d’études visuelles, pour des cabines d’interprétation, on a la prise de vue NDI, le format natif est celui qui a le moins de latence, et pour la distribution en cabine, on passe sur d’autres formats. Donc en latence, on est bon en technologie NDI, mais il faut rester en technologie NDI.

F.A. : Le NDI est un transport qui remplace le câble. On code puis décode du début à la fin. Cette latence est fixe, après les appareils sont plus ou moins performants. Pour la synchronisation de code de plateaux, un exemple : une chaîne de TV et de radio nationale font un direct, l’animateur répond à quelqu’un en duplex. On n’a pas de problèmes pour le faire à la régie technique, mais le plateau est un écran mur Led… 311 millisecondes de latence pour afficher l’images… Voilà.

 

Un panel d’experts en phase avec les problématiques liées à la prise de vue et au streaming. © DR

 

Comment voyez-vous le futur ?

E.B. : Il est prometteur. Les technologies évoluent, ne serait-ce qu’entre le début de la crise et aujourd’hui. Nous, on regarde ce qu’il se passe, pour comprendre et proposer aux clients. On se dirige peut-être vers de l’hybride, où on ne sera pas obligé de ramener des milliers de personnes en présentiel : ça coûte de l’argent, du CO2… Donc peut-être qu’on réduira certaines choses pour inclure d’autres personnes avec de la vidéo. Pour moi, le futur c’est l’hybridation et réfléchir à comment tout le monde sera inclus avec la vidéo, et la latence sera en effet une question importante.

G.W. : Je vois quand même aujourd’hui une fusion de l’informatique qui à l’époque a avalé la téléphonie et quelque part, grappille aujourd’hui en partie l’audiovisuel. Faire intervenir des gens de Paris, de Marseille, ça devient la norme. L’informatique prendra encore plus de place, ça ira plus ou moins vite, mais le confinement a créé un appel d’air. L’audiovisuel a beaucoup de place à prendre là-dedans, la captation et le streaming, on va y venir rapidement.

J.L.B. : Je vois deux challenges : premièrement, la formation, pour savoir qui va opérer car il n’y a peut-être pas besoin d’engager quelqu’un : on peut être autonome et il faut se demander comment donner cet outil de webcasting à toute la société, s’emparer de cette technologie ; deuxièmement, l’interactivité et la modération qui sont plus broadcast que webcasting. Il devient inconcevable de ne plus avoir quelqu’un en duplex sur une chaîne de plateau télé. C’est devenu une évidence pour les créateurs de contenu, mais pour la technique, c’est autre chose. Les solutions deviennent de plus en plus souples et agiles.

Tout le monde connaît à peu près vMix. C’est assez populaire et adapté parce qu’on peut cropper dedans, ajuster la colorimétrie, ça permet derrière d’être agile. Avec TPMP par exemple, on a eu besoin d’accueillir du public en pleine pandémie. On est passé par des écrans… et le Web RTC reste la clé du webcasting en règle générale.

F.A. : Le Web RTC est une technologie libre arrivée en 2015/2016 en plein développement. Une télé belge a fait une émission avec 90 personnes en trois semaines grâce à cette technologie. Donc celle-ci n’est qu’au début, ils ne les ont pas vu venir. Certaines entreprises n’ont pas eu le droit d’utiliser zoom car c’est trop ouvert. Pareil pour vMix Call pour des duplex.

Le roi du monde est le DSI. Le seul problème c’est que les DSI d’aujourd’hui ne sont pas prêts, car ils n’ont pas eu l’information ni l’éducation. Qui sait ce que ça veut dire faire un stream ? Un duplex ? Par quel câble cela passe ?

 

Par rapport à l’interaction avec le public, avez-vous une limite à ne pas dépasser ? Inviter des spectateurs du chat ?

E.B. : Chez nous, nos interactions sont en interne des grands groupes. On fait une session Zoom ou autre pour l’interaction avec le plateau, et on le rebalance sur une réunion où ils auront l’interaction. Pareil pour les réseaux sociaux. On travaille avec des solutions comme Ecamm Live qui se connectent via un lien. Par contre, dans la réunion principale, on peut avoir les questions de tout le monde.

 

Les plateaux webcasting pour les entreprises : à chacun son média. Satis TV. © DR

 

Concernant les réseaux sociaux et les droits d’auteur sur la musique, comment cela se passe-t-il chez vous ?

E.B. : Tout ce qu’il y a de connu est à bannir, donc musique libre de droit.

F.A. : Pour avoir travaillé avec RFM qui paye les droits musicaux et qui est le premier média à avoir fait un live Facebook, avec l’autorisation de Facebook France, ça ne marche pas car des robots détectent en quelques millisecondes. Donc ce qui est connu est à bannir. Sur un tuyau privé, c’est différent, mais si on est sur Facebook c’est parce que c’est gratuit. Donc, soit on triche, soit on triche.

Et sur les réseaux sociaux, il y a des règles… et ce sont les leurs. Qui a lu les règles sur Facebook ? Nous on l’a fait et ça a changé le lendemain. Même pour des choses techniques : qui sait qu’on ne peut pas diffuser en stéréo en 1080p sur Facebook ?

La question, c’est de se demander ce qu’on veut avoir sur notre écran à la fin ? À quel moment les gens entendront la question qu’on pose ? Il faut apprendre à nos clients à diffuser sur Internet, où il y a du décalage, où il y a de l’instantané. Il n’y a pas de limite, les questions sont celles de ce qu’on veut faire et du budget. Des plateaux télévisés sont parfois tout petits.

J.L.B. : On peut avoir des petits plateaux sur fond vert avec deux caméras et des petits moyens qui passent sur la TNT française, et des gros plateaux qui sont là pour des streaming Web d’entreprise. Tout est affaire de contenu.

E.B. : Et penser à son public aussi, car s’il ne s’y retrouve pas, il n’ira pas jusqu’au bout.

 

Article paru pour la première fois dans Sonovision #27, p. 40-43

 

 

Retrouvez tous les Plateaux d’experts en replay ou encore les Talks exposants sur le site du SATIS ( Salon des Technologies de l’Image et du Son).

Le SATIS 2022 vous donne rendez-vous aux Docks de Paris les 9 et 10 novembre prochains. Ouverture des accréditations (gratuites), à partir de septembre.

www.satis-expo.com