Comment associer deux monuments éloignés de 15 mètres ? C’était le défi proposé par l’organisation à l’entrée de la place Bellecour. Car cette année, pour la première fois, il était prévu la mise en lumière de la Grande Poste et du clocher de la Charité, séparés par une route. Sponsorisé par le créateur de jeux vidéo Bandai Namco, le site imposait aussi une création sur la thématique du gaming, avec des jeux précis à inclure. Bref, tout un ensemble de contraintes. Mais pour sa première à Lyon, le studio hollandais Mr Beam a voulu jouer le jeu, en imaginant Insert Coin. « La Fête des Lumières était un événement auquel nous rêvions de participer, assure Mehdi Assem, l’un des directeurs du studio. Jouer avec plusieurs perspectives, cela nous semblait intéressant. Surtout avec cette thématique du jeu : nous partageons tous cette culture geek et gaming ! C’était donc encore plus excitant. » Pour combiner « deux échelles en un show », l’équipe a commencé par choisir un lieu idéal de vision. « Il fallait que le public puisse voir les deux monuments en même temps. Après avoir étudié les photos et scans, on a déterminé qu’il fallait positionner les regards de biais. » Ce qui renforçait la difficulté : cet angle laisse apparaître deux façades de la tour. « Dans un événement comme la Fête des Lumières, on se doit de respecter l’architecture des bâtiments. On a donc divisé l’image en trois plans. » Pour y parvenir, les graphistes se sont beaucoup appuyés sur les capacités du système Watchout pour gérer les effets de profondeur et le multiplan. Le travail de simulation et de modélisation des bâtiments était donc précieux. « Comme on venait de loin, on ne devait pas se tromper sur notre matériel. » L’équipe a misé sur cinq projecteurs Barco 30 000 lumens. Et c’était parfois un peu limite ! « On n’avait pas anticipé autant de lumières parasites. Les premiers soirs, la grande roue de la place éclairait nos façades. Du coup, notre image manquait de profondeur, de contraste, certains détails ne se voyaient pas. À Lyon, il ne faut pas plaisanter avec l’étalonnage ! »
Pour construire son œuvre, le studio est parti de la forme rectangulaire de la tour. « On a imaginé ce qu’elle pourrait devenir : une borne d’arcade, une cage… » Ensuite, les créatifs ont travaillé « comme au cinéma », sourit Mehdi Assem : « On commence par le scénario, les dialogues, puis le story-board, le timing des scènes, l’enregistrement des voix off. Et à la toute fin, on voit quels effets on peut utiliser pour contribuer à l’histoire. » Le cheminement classique d’un court-métrage d’animation.
« Notre équipe est composée de personnes issues du monde de l’animation, du jeu vidéo. Depuis nos débuts en 2010, la majorité de nos projets se construisent avec cette approche narrative. » La clé : créer trois personnages, deux enfants et leur chien, comme éléments principaux. « Tous nos films racontent des histoires, précise Bucko Arends, directeur technique. On part des personnages pour créer des situations. Car le public s’identifie aux personnages, s’inquiète pour eux. Cela permet de faire passer bien plus d’émotions. »
Chaque effet doit donc se justifier. « Tout doit avoir une raison dans la narration. Si le bâtiment s’effondre ou s’envole, on a envie que le public comprenne pourquoi. L’histoire est notre fil rouge. » Au vu des réactions du public, Mr Beam ne s’est pas trompé.
* Extrait de l’article paru pour la première fois dans Sonovision #10, p.18/22. Abonnez-vous à Sonovision pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.
**Retrouvez nos articles précédemment parus à propos des mappings de la Fête des Lumières sur le théâtre antique de Fourvière (1/5) et la cathédrale Saint-Jean (2/5). La suite des articles sera diffusée demain et après demain…