La Salle XIX de l’ONU, haute technologie

Fraîchement remise à neuf, la Salle XIX de l’ONU – également appelée le hall du Qatar ou le hall du multilatéralisme – est la plus grande salle de conférence destinée aux assemblées plénières de l’Office des Nations unies à Genève, en Suisse. Elle est maintenant équipée d’une série de technologies dernier cri qui n’avaient jamais encore été intégrées à une telle échelle et avec un tel niveau de complexité. Cet important projet, offert à l’ONU par l’État du Qatar, a été réalisé en dix mois seulement.
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La Salle XIX est une salle de conférence d’une capacité de 800 places et dotée d’un mur vidéo led 4K de 45 m². Quatre canaux vidéo en HD sont transmis aux 320 sièges de délégués, équipés chacun d’un écran interactif de 12 pouces, soit la plus grande taille d’écran de toutes les salles de conférence de l’ONU. Chaque siège comprend également deux plaques affichant le nom de son occupant à l’encre électronique, conçues de manière à être visibles de chaque endroit de la pièce et sous tous les angles de caméra possibles.

Quatre caméras robotisées offrent une vue imprenable des intervenants, tandis que – pour la première fois dans l’histoire de l’ONU – une cabine réservée aux interprètes en langue des signes permet l’affichage « picture in picture » sur tous les écrans reliés au réseau de distribution vidéo. La salle entière est également équipée de panneaux et d’afficheurs en braille, ainsi que d’un système de transcription automatique garantissant le respect des normes d’accessibilité et d’inclusion.

En plus du parterre où se réunissent les délégués de l’ONU, la salle est pourvue d’un balcon où se trouvent des zones spécifiques pour la presse, les invités de marque, les cabines d’interprétation ou encore les intervenants en attente, ainsi que d’une grande salle de contrôle permettant de gérer les flux audiovisuels, de faciliter les votes et de surveiller la salle à l’aide de logiciels spécialisés.

 

 

Les exigences des clients

L’État du Qatar et l’Organisation des Nations unies avaient un cahier des charges exigeant : diffusion de flux vidéo sans latence ; accessibilité complète à tous les porteurs de handicaps ; redondance complète de l’alimentation, des données, de la connectivité et de la puissance de calcul ; démarrage rapide du système et utilisation d’une API standard pour une intégration facile avec des salles anciennes ou futures.

Cette intégration a posé de nombreux défis, dus à l’ampleur du projet et à la complexité de ses besoins. Conçu en partenariat avec Taiden et AMX SVSI, un système de distribution vidéo entièrement nouveau permet la commutation instantanée de contenus pour chacun des 320 écrans en réseau, permettant que chaque délégué ait sur son écran les mêmes images que celles affichées sur le mur vidéo à l’avant de la salle. Cette intégration est la première de cette envergure pour AMX SVSI, avec 320 équipements en 4K.

La mise au point d’une solution sur mesure a conduit au choix du terminal multimédia de quatrième génération (G4) produit par Taiden. Les écrans tactiles de 12 pouces transmettent le signal vidéo sur le réseau AMX SVSI (encodeurs et décodeurs N1000 Series) et sont reliés au système Taiden par HDMI ; toutes les commandes de commutation vidéo sont accessibles sur l’écran du délégué (à l’aide de l’écran tactile ainsi que de boutons physiques et de plages braille), tandis que les fonctions de contrôle recouvrent tout le réseau. Ainsi, les délégués peuvent regarder une présentation ou une vidéo tout en ayant une variété de contenus au bout des doigts à tout moment. Ils peuvent visualiser, par exemple, le résultat d’un vote, l’interprétation d’une intervention en langue des signes ou sa transcription dans une langue de leur choix. C’est également la première fois que tous les contenus peuvent être distribués en HDCP sans latence.

Pour veiller à ce que le terminal multimédia s’intègre parfaitement dans le pupitre, Media Vision et Taiden ont travaillé en étroite collaboration avec le cabinet d’architecture, Peia Associati, ainsi qu’avec le fabricant du mobilier, Matteo Grassi, tous deux basés à Milan (Italie). Cette collaboration a également permis de garantir un accès facile à l’équipement, afin de minimiser les délais d’intervention technique et de prévoir une ventilation adaptée aux émissions de chaleur des différents appareils utilisés.

 

 

Plusieurs défis à relever

La création de la première cabine d’interprétation au monde conçue spécifiquement pour la langue des signes a également représenté un défi unique, puisqu’elle devait être plus grande que les autres cabines afin que les interprètes puissent se tenir debout et faire des gestes amples ; la cabine devait également accepter une caméra montée sur un support motorisé, la Panasonic AK-UB300. La distribution vidéo est facilitée par le convertisseur de transport SDI compact AJA 12GM, tandis qu’un moniteur 4K Sony Bravia complète l’équipement de cette cabine.

Les deux plaques affichant le nom du délégué à l’encre électronique (Taiden HCS-1082 Series) sont intégrées à l’avant et à l’arrière du pupitre. La plaque avant, qui mesure près de 40 centimètres, affiche le nom du délégué et apparaît à l’écran lorsque la caméra est pointée sur lui. Ce système permet de modifier rapidement et efficacement l’assignation des sièges, qui était auparavant une tâche très chronophage. Une lumière led placée sur la plaque nominative permet de repérer facilement qui a la parole. Lorsque le délégué s’exprime, l’une des quatre caméras PTZ robotisées (Panasonic AW-UE150) fait le cadrage sur son pupitre et permet aux spectateurs de lire son nom sur la plaque.

La plaque arrière, qui mesure 18 centimètres, est visible depuis le siège et permet aux délégués de trouver facilement leur place sans devoir faire le tour du pupitre. Elle permet également l’affichage de messages envoyés par la salle de contrôle, par exemple pour transmettre à un ou plusieurs délégués des notes de leur secrétariat ou encore une invitation à parler moins vite.

Mesurant 9 mètres sur 5, le mur vidéo led Leyard TVF présente un pitch de 1,5 mm et il est constitué d’écrans empilés verticalement auxquels les techniciens peuvent accéder par l’avant pour des interventions plus aisées ; le mur vidéo dispose d’une alimentation redondante et offre une connectique en fibre optique. Le signal vidéo peut être distribué depuis quatre sources, prises en charge par trois commutateurs 4K Analog Way Ascender 32 combinés et contrôlés par un Analog Way RCU300 au format Rack. Un Blackmagic Design Teranex AV s’occupe de la conversion entre SD, HD et UHD.

La distribution du signal dans la salle tout entière est assurée par une matrice SDI 40 × 40 Blackmagic Design VideoHub avec trois convertisseurs Teranex AV, six Teranex Express et deux Teranex Mini. La salle de contrôle s’appuie sur deux contrôleurs intégrés AMX NX-4200, la commutation était prise en charge par Blackmagic Design ATEM Production Studio 4K.

Le son est, quant à lui, émis par une paire d’enceintes colonne StepArray Active Audio et situées à l’avant de la salle ; l’installation sonore est complétée par des haut-parleurs Apart Audio CM5 intégrés au plafond, des DSP Symetrix Radius 12×8 Dante et des amplificateurs Ashly NX et NXE.

 

Un projet aussi complexe, aussi important et aussi spécifique a demandé des efforts considérables de développement logiciel. Un grand travail de personnalisation a également été nécessaire, réalisé par Taiden avec le soutien d’AMX SVSI. La redondance du système est garantie par une surveillance constante de chacune de ses composantes. Par exemple, dès qu’un câble est débranché, un avertissement est envoyé à l’opérateur, tandis qu’un indicateur montre que le microphone, le terminal et la connexion redondante fonctionnent bien.

Grâce à la programmation spécifique, tous les appareils fonctionnent en harmonie à tous les points du réseau. Tandis que la salle de contrôle assure le démarrage du réseau, l’activation des fonctions d’interprétation et de transcription et la sélection des sources vidéo, les délégués ont également un ensemble de fonctions à leur disposition.

Chacun peut ainsi, en utilisant son terminal, demander la parole et visualiser les demandes de prise de parole prioritaires. Offrant de nombreuses fonctions spécifiques, un minuteur créé spécifiquement pour ce projet permet de gérer le temps de parole de différents groupes d’utilisateurs, avec différents niveaux de priorité. Les délégués se connectent au système avec les mêmes badges RFID qu’ils utilisent pour accéder à la salle. Ces badges sont reliés aux plaques nominatives ; il suffit donc, pour accéder au système, de scanner en prenant place puis des logiciels développés sur mesure assurent l’intégration du système avec la base de données des délégués présents, offrant ainsi une expérience utilisateur fluide.

 

En plus des éléments déjà présentés, de nombreux équipements moins importants révèlent l’extraordinaire souci du détail qui a animé la conception technologique et architecturale de la salle. Par exemple, les caméras PTZ robotisées sont intégrées à la structure même de la salle, avec des supports spécialement créés pour rendre leurs mouvements invisibles. Les pupitres sont légèrement inclinés, de manière à ce que le liquide qui pourrait y être renversé ne coule pas sur les composants informatiques. Chaque pupitre est également équipé de nombreux types de prises électriques correspondant aux diverses normes internationales. Les sièges, enfin, sont placés de manière à ce que les caméras puissent toujours voir les plaques nominatives.

Le délai d’installation a également représenté un défi de taille, puisqu’il s’agissait de remettre à neuf la Salle XIX en dix mois seulement, tout en limitant le bruit perçu dans les salles voisines qui étaient utilisées au quotidien pendant les travaux. Le projet a été déployé avec succès grâce à l’esprit d’équipe qui régnait entre l’entrepreneur général, l’architecte, l’intégrateur et les autres acteurs impliqués, qui ont collaboré avec une grande efficacité.

La technologie a occupé une place de premier plan lors du processus de conception, et le cabinet Peia Associati a également joué le rôle de consultant technologique. Giampiero Peia, PDG et architecte en chef de Peia Associati, considère que l’équipement audiovisuel forme les yeux, la bouche et les oreilles d’un bâtiment. « C’est bien quand la technologie est invisible, mais elle peut aussi jouer un rôle didactique, comme c’est le cas ici, explique-t-il. Ainsi, nous avons choisi de laisser visibles les centaines de voyants et les câbles bien alignés dans la salle de contrôle. » Cette dernière, avec ses racks placés derrière des portes vitrées, ressemble à un cockpit de vaisseau spatial.

 

Pour créer une installation au look intemporel, il s’est tourné vers le cinéma de science-fiction. C’est ainsi que Giampiero Peia s’est inspiré du parlement galactique de Star Wars, où l’on voit les représentants assis dans des plates-formes flottantes en forme d’œuf qui forment une immense sphère aux allures de ruche. Par son architecture en cercles concentriques, la Salle XIX reflète les idéaux de l’Organisation des Nations unies en mettant en avant l’égalité. Un unique modèle de pupitre a été conçu pour tous les délégués, marquant l’individualité et l’identité des nations tout en symbolisant la force de l’Organisation dans laquelle les problèmes du monde sont abordés en concertation.

Le système d’éclairage est adapté au rythme circadien et reproduit la lumière du soleil levant et couchant, rendant plus confortables les longues assemblées de travail. Un logiciel spécialisé a été utilisé pour calculer le placement idéal des 7 000 écopanneaux de bois qui assurent la bonne acoustique de la salle. La géométrie des panneaux acoustiques au plafond évoque des dunes de sable, rendant ainsi hommage au Qatar qui a financé la remise à neuf de la salle. Les panneaux latéraux forment quant à eux des vagues dont la forme a également été déterminée par des critères acoustiques, tout en symbolisant les efforts de l’ONU pour faciliter la diplomatie : « les eaux troubles s’apaisent à mesure que l’on s’approche de la tribune présidentielle », illustre Giampiero Peia.

 

Le cabinet Peia Associati a accordé un grand soin à ce que la salle tout comme ses équipements correspondent aux besoins du client et à son désir de mettre en avant l’innovation technologique. Giampiero Peia poursuit : « Mon but était simplement de coordonner tous ces atouts au sein d’une architecture à même d’accueillir tous les pays et organisations concernés – tout en reconnaissant l’importance du donateur, l’État du Qatar – avec lesquels l’ONU trouve les moyens de maintenir la paix, de sauver des vies et d’aider la planète. »

Pour la première fois de ses 18 ans d’existence, Media Vision a été le principal fournisseur de systèmes audiovisuels à l’occasion de ce projet prestigieux. Selon Annabelle Zabetian, la présidente de l’entreprise, « ce projet marque un nouveau chapitre dans notre histoire, puisqu’il nous a demandé de collaborer avec des partenaires de haut vol pour créer un projet audiovisuel complexe et de grande envergure, clés en main. La fourniture d’outils de pointe facilitant le dialogue entre nations, c’est dans notre ADN », explique-t-elle.

 

 

EN BREF

• Date de début : novembre 2018

• Date d’achèvement : 30 septembre 2019

• Intégrateur : Media Vision Sarl

• Architecte et consultant technologique : Peia Associati S.r.l.

Article paru pour la première fois dans Sonovision #18, p.66-67. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.