Organisé par le ministère de l’Éducation nationale (via la Direction du numérique pour l’éducation) et Ubisoft, ce séminaire « Éducation-jeux vidéos-réalité virtuelle, mixte et augmentée » visait à réunir des enseignants, pédagogues, game designers et experts, afin de tracer les voies communes aux mondes de l’école et du jeu vidéo ou de la réalité virtuelle.
Professeurs, chercheurs, créateurs de jeux pédagogiques ou grand public, tous ont convenu que le jeu vidéo devait être dorénavant envisagé comme un outil facilitant l’apprentissage. Si le jeu vidéo, dans tous ses aspects pédagogiques, a été évoqué tout au long de cette journée de conférences, une intervention a mis l’accent sur ses innovations, telle la réalité virtuelle.
Deborah Papiernik s’est ainsi interrogée sur la façon dont le jeu vidéo pouvait servir à innover au-delà de ses frontières naturelles, à savoir le simple plaisir de jouer. « Chaque nouvelle création de machine et chaque rupture de software sont l’occasion de créer de nouvelles manières de jouer », a souligné la directrice des projets innovants d’Ubisoft. Si la Wifi a permis de sortir le joueur de son canapé, Apple avec l’écran tactile a révolutionné l’interface utilisateur. « Peu d’industries embrassent la technologie avec autant de passion », a-t-elle ajouté, indiquant en outre, que le jeu vidéo pouvait s’allier à des industries très diverses.
Avec Thomas Serval, PDG de Kolibree et inventeur d’une brosse à dents connectée en Bluetooth, Ubisoft a ainsi développé un jeu, Lapins Crétins, afin de motiver les enfants à se nettoyer les quenottes. Un franc succès ! « On a dû ajouter une limite dans l’application à trois brossages par jour. L’autre constat a été de voir que les enfants ayant utilisé l’application prenaient de bonnes habitudes, même en se servant d’une brosse à dents classique », a-t-elle souri. Outre le gameplay, d’autres atouts du jeu vidéo, tels que l’immersion, peuvent être adaptés à des domaines complètement différents.
Après la destruction de Palmyre par Daech, Iconem, une start-up fondée par l’architecte Yves Ubelmann, a réalisé une cartographie en 3D de ces lieux en péril. Il réalise, par l’intermédiaire de drones, des scans à grande échelle, suivant la technique dite de photogrammétrie. « Grâce à des algorithmes, sont ensuite créées des reproductions en 3D. Le but est de préserver la mémoire de sites en danger », a-t-il détaillé.
Iconem a commencé à travailler avec l’Institut du monde arabe (IMA) sur l’exposition « Cités millénaires, un voyage virtuel de Palmyre à Mossoul », a expliqué Deborah Papiernik. Ubisoft est alors contacté pour apporter un traitement « jeu vidéo » à ces photogrammes 3D qui, par définition, ne présentent aucun élément mouvant. « Nous savons d’expérience, que la réalité virtuelle plonge l’utilisateur dans le décor. Avec l’IMA, nous avons identifié six monuments emblématiques. Les modèles 3D ont été importés dans un moteur de réalité virtuelle (Unity) », détaille-t-elle.
Après un travail visuel, afin de rendre les teintes plus esthétiques, les lumières plus chaudes, des effets de mouvements naturels y ont été inclus (sable volant, effet du vent, etc.), tout comme des ambiances sonores (chant d’église, rumeurs de souk, bruits d’oiseaux marins…). « Nous avons travaillé comme on peut au cinéma pour redonner vie à ces endroits. Le but était de créer de l’émotion, des sensations. Nous avons ajouté des animaux, ils servent de guide pour l’œil du visiteur. »
Cette expérience en réalité virtuelle, proposée dans des cabines à la fin de l’exposition, reflète l’apport des techniques du jeu vidéo : le visiteur immergé dans ces sites prend ainsi conscience de la taille des lieux originels. « La VR, paradoxalement, est un objet technologique compliqué, qui est, en termes d’utilisation, à la portée de tout le monde. C’est hyper intuitif », pour Deborah Papiernik.
Pour conclure, cette journée de réflexions sur les articulations entre éducation et jeu vidéo, Oliver Dauba, vice-président éditorial d’Ubisoft, a présenté le premier jeu éducatif, Discovery Tour, basé sur la saga Assassin’s Creed. Grande nouveauté, l’embauche d’un directeur scientifique, une première pour un studio de jeu vidéo, David Louapre. Parmi ses expérimentations, Ubisoft a ainsi imaginé un Escape Game pour apprendre les rudiments de la chimie.
Selon Oliver Dauba, divertir n’est pas l’unique but de l’éditeur : outre créer un imaginaire, le jeu vidéo permet à l’utilisateur de progresser en compétence et maîtriser les mécanismes du gameplay. « C’est ce que font les professeurs, en interrogeant les compétences de leurs élèves », a-t-il conclu, bouclant la boucle du séminaire.
Article paru pour la première fois dans Sonovision #14, p.44. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.