Dossier : l’évolution de l’automation

Les installations audiovisuelles comportent aujourd’hui systématiquement un équipement d’automation pour permettre un contrôle aisé par les utilisateurs, que l’installation soit une simple salle de cours ou un système beaucoup plus complexe. Mais quelles sont les dernières évolutions des systèmes d’automation et quel peut être leur futur ?
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L’automation reste une question d’interface ; d’un côté l’humain, dont les facilités face aux technologies est très variable d’un individu à l’autre, et de l’autre côté, tout un groupe d’appareils, dont les langages de communication sont des plus divers, mais de toutes les façons non compréhensibles par l’humain. Les systèmes d’automation ont donc la mission de réaliser cette interface entre l’humain et les machines, sans réel apprentissage par l’utilisateur puisque toutes ces salles de réunion sont aujourd’hui en total libre service dans les entreprises.

Nous sommes aidés en cela par la vague des smartphones qui a forcé et même contraint la plupart des humains, quel que soit leur âge, à se mettre à utiliser des écrans tactiles. Cet avantage doit être exploité pour réaliser des interfaces sur les mêmes poncifs. La petite maison renvoie au menu de base, la roue crantée permet les réglages du système, etc. En se conformant aux habitudes des utilisateurs, on facilite l’acceptation des écrans tactiles dans l’environnement du travail.

Ces dernières années ont vu se développer des systèmes simples répondant aux besoins de micro-systèmes tels que salles de cours, ou huddle rooms en entreprise. Ces mini-automates de contrôle se présentent sous la forme d’un petit clavier à encastrer dans la cloison. Avec un ou deux ports de communication, ils assurent le minimum, mise en route du projecteur ou de l’écran, commutation de source et ajustement du volume. C’est donc toute une palette de petits systèmes qui se configurent simplement pour les installateurs. C’est aussi une façon simple pour de nouveaux constructeurs d’entrer sur le marché de l’automation.

 

Micro-automates

Mais c’est encore trop pour bien des utilisateurs qui ne sont définitivement pas à l’aise avec les interfaces utilisateur. Une tendance encore plus dépouillée est donc apparue, bénéficiant du fait que sur les signaux numérique HDMI, voire VGA, il est possible de détecter la présence des signaux de synchronisation vidéo.

Ces micro-automates reçoivent le signal vidéo lorsque l’utilisateur connecte son ordinateur dans la salle de réunion et, à partir de la détection de présence, engage la mise en route du projecteur ou de l’écran LCD. En fin de réunion, lorsque l’utilisateur déconnecte son appareil, la suppression de signal déclenche l’arrêt des matériels après un délai de confirmation. Ces fonctions sont réalisables facilement et l’on trouve ces solutions chez Neets, Atlona, Lightware, etc.

 

Nouveaux constructeurs, nouvelles approches

Car l’on pourrait croire que les constructeurs de systèmes d’automation sont toujours les mêmes ; or nous assistons à une certaine évolution des offres. De la même façon que les spécialistes AMX et Crestron ont développé des gammes de matrice, processeurs audio et autres matériels divers pour augmenter leur catalogue, des constructeurs de produits vidéo comme Lightware, Extron, Atlona, Kramer, ou constructeurs audio comme QSC, ont développé, en parallèle de leurs produits classiques, des gammes d’automation. Ce qui fait qu’aujourd’hui l’offre d’automation s’est fortement élargie avec de nouvelles approches.

Extron pour sa part a développé plusieurs générations de produits de plus en plus ouverts avec les logiciels de programmation Global Configurator en premier niveau, Global Configurator Pro pour les programmeurs plus avancés, et Global Scripter en langage Python, pour les plus pointus. L’objet étant de couvrir un maximum de situations. Le tout sur les mêmes bases hardware d’automate.

QSC, de son côté, est parti de ses processeurs audio, considérant qu’ils avaient là un potentiel de traitement logique pour intégrer une capacité d’automation ouverte. Il s’est donc basé sur le processeur audio type Core 110, par exemple, auquel le constructeur a ajouté une gamme d’écrans tactiles et des capacités de programmation.

 

Automate centralisé

Atlona propose aujourd’hui un système où l’automate est unique pour tout un bâtiment ou plus. À partir de cet élément de contrôle, le constructeur propose de multiples interfaces se positionnant sur le réseau IP et assurant localement l’interface, en RS232, en contact, ou autres types d’interface. L’idée est de n’utiliser qu’un processeur de contrôle pour toute une quantité de salles de réunion dans l’entreprise. Il en découle une économie de processeur et une centralisation des actions.

Sur les systèmes classiques, on choisit l’automate en fonction du nombre d’appareils à contrôler, donc du nombre de ports disponibles. Avec le système d’Atlona, le nombre d’interfaces est de 250 à travers le réseau, ce n’est donc plus un critère par rapport à une salle, mais une vue globale des besoins. En même temps le client n’achète que les interfaces dont il a besoin.

Le risque de problème technique devenant dramatique dans une installation de ce type, Atlona propose un système de redondance de processeur, avec basculement automatique en cas de panne, pour éviter le blocage global de toute une entreprise.

 

Le coucou de l’automation

Cas particulier, Cisco fournit un écran tactile de 10 pouces avec ses codecs de visioconférence. Cette interface spécifique couvre les besoins de contrôle pour une salle de visio. Cisco n’ayant pas d’automate proprement dit, il offre la possibilité d’ajouter des pages, des boutons et autres barregraphes dans son interface, mais en ajoutant un automate AMX ou Crestron, pour exécuter les basses œuvres de contrôle. La partie contrôle visio restant traitée directement par le produit. C’est une façon d’utiliser la puissance de contrôle des autres, tout en unifiant la façade de l’interface utilisateur.

 

Les interfaces machines

Sur le plan des interfaces vers les équipements, même si de plus en plus d’équipements ont une interface réseau IP, ce qui est pratiquement vrai pour tous les projecteurs, pour les écrans LCD, etc., ce n’est pas toujours le cas. Et cela n’est pas toujours le souhait de l’installateur d’utiliser ce type d’interface.

Il existe encore beaucoup de produits dont les moyens de contrôle sont des liaisons RS232 ou RS422, des contacts par relais, ou des interfaces plus spécifique DMX, Midi, LON, et bien d’autres. Par exemple, les codecs de visioconférence sont connectés au réseau externe de l’entreprise, l’automate de contrôle agira de préférence par RS232, pour ne pas entrer sur ce réseau externe. Il est donc de la première importance que les constructeurs offrent une large palette d’interfaces pour s’adapter aux diverses demandes.

Certains constructeurs proposent des automates équipés de multiples ports de contrôle, d’autres ont une quantité de ports réduite, mais se reposent sur des extensions possibles par le réseau IP. Car il y a de plus en plus de sociétés qui proposent des passerelles réseaux IP vers toutes sortes de ces interfaces hétéroclites, permettant des combinaisons atypiques.

Global Cache, Moxa et Extron ont tous une gamme d’interface IP vers RS232,/422, contact, Lindy, Furman, Isol8 proposent des rails d’alimentation secteur controlés, Kissbox et Technidream une interface Midi, Enttec vers DMX, etc. Il est donc facile d’étendre un automate avec de nouvelles interfaces ou de compléter un système avec une interface particulière.

 

Les réseaux pas si tranquilles

Comme on vient de le voir, le réseau est devenu un support indispensable à la mise en place de l’automation. C’est par ce biais que l’on raccorde les écrans tactiles aux automates ; c’est souvent aussi par ce biais que l’on contrôle de plus en plus d’appareils, et comme vu précédemment ; c’est aussi un bon vecteur pour ajouter des interfaces. Mais la vie n’est pas toujours tranquille.

Le réseau pose plusieurs problèmes. Le premier, si l’installation doit être intégrée dans le réseau client, cela vient interférer dans le plan de sécurité réseau du responsable informatique. À l’heure où la sécurité des réseaux est un problème de première urgence dans les entreprises, cette situation peut être vécue comme une intrusion non acceptable pour beaucoup de services informatiques.

L’une des solutions proposée par Crestron ou Extron est d’utiliser des automates équipés de deux ports réseaux. L’un sur le réseau client, bien contrôlé, bien sécurisé, et un second port isolé du premier utilisé uniquement pour les équipements de l’automation à faible niveau de sécurité. C’est comme une bulle réseau à part du réseau principal, qui permet de mieux sécuriser, et assurer l’administrateur que les choses sont bien faites dans les règles de l’art. Dans beaucoup de cas, le Lan de réseau audiovisuel est simplement isolé de tout autre réseau. Cela limite certaines fonctionnalités, mais permet d’éviter les questions de sécurité. La tranquillité a donc un prix.

 

Le projet et l’analyse fonctionnelle

Le cheminement vers une installation d’automation réussie passe par l’établissement d’une analyse fonctionnelle. Cette étape est trop souvent ignorée dans les processus des installateurs. Pourtant, c’est la solution pour gérer le projet en amont avec l’utilisateur.

L’analyse fonctionnelle est un document décrivant les principes de l’interface utilisateur, et le détail des actions découlant de l’activation de tel ou tel bouton. Par exemple, il est important de décrire les pages de l’écran tactile. Peut-on gérer l’ensemble en une seule page ? Ce serait idéal, mais souvent, l’on sépare par thème, page image, ce qui permet les sélections de sources et des commandes associées, page son, avec les voies micro et son des sources vidéo, etc.

Une présentation des visuels simplifiés offre une lecture aisée du document et prépare la future interface. Le document doit permettre une compréhension des futurs utilisateurs et d’obtenir leur approbation, avant d’engager un développement spécifique.

Sans ce type d’organisation, l’on s’expose à ce que le client découvre l’interface au moment de la livraison et refuse la solution développée, ce qui entraîne d’importants surcoûts et des retards à la livraison.

 

Les interfaces tactiles

La création des visuels des interfaces tactiles est un point important, car c’est ce que l’utilisateur a devant lui. Les constructeurs proposent des applications pour créer ces pages écran. Parfois basée sur des pages web, l’évolution tend à aller vers le HTML5. C’est le cas chez Crestron, qui a fait des présentations privées de sa solution. Le HTML5 est particulièrement intéressant car il permet, à partir d’un projet, de l’adapter à différentes tailles d’écrans.

 

Méthode de programmation

Il y a globalement deux philosophies de base distinctes dans la méthodologie de programmation. De nombreux systèmes proposent de partir de l’interface utilisateur, dont l’élément de base est le bouton sous lequel le programmeur indique une succession d’événements, tels que commutations de grille, commande de mise en route ou changement de page sur l’interface.

Cette façon de faire ne permet pas directement de gérer des commandes similaires entre différents boutons ou entre différents écrans tactiles, si l’installation en utilise plusieurs. Ce qui implique de répéter les commandes pour chaque bouton similaire, avec des risques d’erreurs ou d’oublis. Ces systèmes sont plus complexes à modifier sans erreur, car les fonctions sont dispersées.

L’autre méthodologie dissocie l’interface et ses éléments : boutons, barregraphes, onglets, qui ne sont liés que par un numéro à un programme qui structure des séquences d’actions pouvant être initiées par différents boutons, sur différents écrans tactiles, en soumettant ces actions à des conditions, par exemple liées à des ouvertures de cloisons dans des salles multiples, ce qui permet de faire varier les actions plus aisément, en fonction des contextes et qui permet de décrire une fonction de façon unique pour tous les boutons ayant besoin de ces actions. Il sera donc plus facile de faire évoluer cette fonction, car elle est unique pour tout le système.

La première méthode est plus visuelle et plus directe, « action-réaction », pour mimer un adjudant célèbre. La seconde, plus virtuelle, est peut-être plus complexe à appréhender, mais permet des programmations plus complexes, donc plus poussées.

 

Des applications complexes

Au-delà des simples salles de formation et de visio dans les entreprises, les automates ont de véritables capacités à mettre en œuvre des installations très complexes, faisant appel à de nombreuses technologies. Les limites sont celles de l’imagination des donneurs d’ordres et de la capacité des programmeurs à les mettre en œuvre. Les musées qui fonctionnent avec de nombreuses diffusions audio et vidéo font largement appel à l’automation.

Un grand musée parisien s’est équipé d’automates pour la supervision de ces espaces d’exposition temporaire, à charge au commissaire de chaque exposition de mettre sous contrôle l’ensemble des équipements pour la gestion par le personnel du musée. Les militaires, la police, les grandes entreprises utilisent des systèmes d’automation dans leurs environnements pour gérer les affichages d’image en salles de crise et salles opérationnelles. Certaines de ces applications peuvent être amenées à exploiter des fonctions extrêmement poussées sur les systèmes d’automation.

 

Domotique par rapport à l’automation audiovisuelle

Si l’objectif de marché grand public quantitatif fait rêver certains industriels, sous le nom de domotique, tel que Legrand, avec des solutions « électricien », d’autres marques n’ont fait, pour certaines, qu’un rapide passage en automation. Il faut reconnaître que ce sont les automates « audiovisuels » qui tiennent le marché des installations domotiques de haute volée, celles que l’on trouve dans les hôtels de luxe et les résidences privées de haut niveau.

Le reste de la population n’est, en général, pas à même de prévoir dans son projet de construction, un câblage spécifique et des interfaces adaptées à une installation domotique générale. Il se contente de petits îlots de contrôle sur la chaudière ou la planification de certaines tâches. Il est donc fréquent de voir des installateurs d’audiovisuel intervenir sur des projets de construction ou de rénovation de luxe pour la partie domotique.

 

Qui est propriétaire du programme de l’automate ?

Il est à noter que l’un des problèmes rencontrés par les entreprises utilisatrices de systèmes d’automation est d’assurer la continuité de fonctionnement de leur installation. Certains installateurs oubliant, voire refusant, de fournir les programmes sources de l’installation. Au risque de me répéter, le contrat initial de fourniture doit mentionner explicitement la fourniture d’une sauvegarde des fichiers sources de l’installation, ce qui laissera libre l’utilisateur de faire évoluer son installation sur le temps, avec le prestataire de son choix.

 

L’avenir ?

Est-il possible de prévoir l’avenir ? Certainement non. Mais l’automation restera un point important de la mise en œuvre des installations audiovisuelles. Ce que cherchent les constructeurs, c’est de proposer des systèmes de plus en plus configurables et non programmables. La différence est que tout le monde peut configurer un système en répondant à des questions formatées. Combien d’écrans dans cette salle, quelles marques, quels modèles, combien de sources, quels types, quels noms, etc., et en fonction des réponses le système crée l’interface utilisateur et génère la partie logique des fonctions.

Ces solutions existent pour de petits systèmes dès aujourd’hui, mais présentent des limites, qui seront petit à petit repoussées. En attendant, il reste à utiliser les services de programmeurs formés pour les systèmes les plus complexes et atypiques.    

 

Article paru pour la première fois dans Sonovision #16, p.50-52. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.


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