Le marché des téléviseurs au format UHD se développe fortement. Le nombre d’écrans proposés sur les rayons des commerçants dépasse largement les 50 % et les ventes suivent cette évolution. D’après les chiffres GFK, le parc installé en France à la fin 2017 s’élève déjà à 3,3 millions d’appareils et les ventes atteignent presque les 1,5 million d’unités au cours de l’année, environ 30 % des ventes. Les acteurs du secteur espèrent atteindre 50 % du parc équipé en 4K/UHD à l’horizon 2020. Il est évident que les prochains évènements sportifs de 2018 concourront fortement à cette tendance. Un tel développement du parc UHD pourrait laisser supposer qu’il s’accompagne d’un élargissement des contenus disponibles à ce nouveau format. Or la réalité est beaucoup plus contrastée.
Des contenus UHD disponibles en Blu-Ray
Du côté des disques Blu-ray UHD, les ventes se renforcent, mais l’équipement en lec teurs UHD reste assez limité puisque l’on ne compte que 30 000 lecteurs vendus en France, à rapprocher du parc de plus de 3 millions de téléviseurs. Le nombre de lecteurs natifs UHD disponibles à la vente reste limité à sept modèles, auxquels il faut ajouter les consoles de jeux PlayStation 4 Pro de Sony et les deux Xbox One de Microsoft. Les téléspectateurs auraient-ils déjà intégré dans leurs choix les avantages de la dématérialisation en privilégiant des accès réseaux à des services de VOD comme Netflix, Amazon, iTunes ou myCanal ? Lors d’une conférence tenue en décembre dernier, Blu-ray Partners, l’association qui regroupe les acteurs français du secteur, a renouvelé son espoir dans ce marché en constatant que 270 000 disques avaient été vendus en octobre 2017, avec un catalogue de 180 titres. Elle espère que les ventes atteindront 600 000 unités en 2018 et le catalogue, 400 titres. En parcourant les allées des magasins, les rayonnages dédiés aux DVD sont encore imposants et seul un quart des linéaires sont consacrés aux disques Blu-ray HD. Ce qui est confirmé par les statistiques des ventes. Même avec un écran UHD, la qualité d’un support HD suffirait-elle à leur plaisir ? Le constat du peu d’écart réellement perçu par le spectateur, sans doute assis trop loin de son écran, vient renforcer les études menées par le programme 4Ever qui concluaient que la seule augmentation de la résolution est loin d’être le facteur déterminant pour apprécier une image UHD. Le codage HDR et le HFR sont des éléments complémentaires indispensables au passage à l’UHD.
La diffusion TV en UHD
Avec son tuner intégré, la fonction initiale d’un téléviseur est de recevoir les programmes TV émis par ondes hertziennes, en TNT ou par satellite. Côté réseau terrestre, la réception de programmes 4K ou UHD n’est pas encore à l’ordre du jour. D’une part suite à la réduction des bandes de fréquences sous la pression de la téléphonie mobile, les régulateurs ont rempli totalement l’espace qui leur est alloué. Aucune fréquence n’est disponible pour lancer des programmes supplémentaires. Le débit d’une émission en UHD est beaucoup plus important qu’en HD, même avec un codage HEVC plus efficace. Le passage au DVB-T2, déjà en exploitation dans quelques pays d’Europe permettrait de récupérer des capacités en termes de débit et de fréquences. Mais en France, le passage au H.264 vient juste d’être achevé. Il n’est pas évident d’expliquer aux téléspectateurs qu’il faut encore une fois tout changer. D’autre part, les broadcasters viennent juste de terminer le passage de leurs infrastructures à la HD et il faut qu’ils les rentabilisent avant de passer à l’étape suivante. Enfin, ils constatent que les contenus natifs en 4K ou en UHD ne sont pas encore nombreux et qu’ils ne suffiraient pas à construire une grille complète au format UHD. Donc on reviendrait, comme au moment du passage à la HD, à une programmation élaborée avec de multiples contenus upscalés. D’ailleurs certains experts se demandent si, en cas de diffusion mixte HD/ UHD, les circuits d’upscale en UHD, internes aux téléviseurs, ne seraient pas suffisants pour l’affichage des contenus transmis en HD par rapport à un traitement en régie finale.
Le satellite de diffusion directe est sans aucun doute le vecteur le plus à même d’apporter rapidement des programmes UHD aux téléspectateurs. Placé sur son orbite géostationnaire, il dessert une large zone géographique. La largeur des canaux émis par les transpondeurs est adaptée au débit de l’UHD, sous réserve de réduire le nombre de programmes par fréquence. L’antenne de réception reste la même que pour la réception HD. Il suffit de changer de décodeur satellite pour passer à un modèle compatible HEVC et sortie UHD. Astra diffuse déjà une trentaine de programmes en UHD sur l’ensemble de sa flotte, entre autres le programme de mode Fashion, Sky et Sky Sport, le télé-achat QVC, des canaux de démonstration. Ils ne sont pas tous captables sur le territoire français et certains sont cryptés. Certains modèles de téléviseurs UHD sont équipés d’un démodulateur intégré. Il suffit donc d’y raccorder la parabole de réception. Canal devrait annoncer début 2018 le lancement de son décodeur UHD. De son côté, Eutelsat diffuse également une vingtaine de programmes, dont SFR Sport 4K et une chaîne démo de Fransat. C’est donc avec le satellite que la télévision UHD Live est la plus accessible actuellement.
Les services de VOD prêts pour l’UHD
Beaucoup d’annonces de contenus UHD émanent de services de VOD (Netflix, Amazon, myCanal…). Il est évident que, compte tenu du débit engendré par la résolution UHD (tout le monde s’accorde sur une valeur comprise entre 20 et 25 Mb/s), il n’y a que les abonnés raccordés par fibre optique qui sont éligibles à la réception de contenus 4K/UHD. Mais c’est loin d’être la condition suffisante. D’une part il faut que le décodeur TV fourni par le FAI ou le player vidéo soit doté d’une sortie vidéo UHD et bien entendu disposer d’un téléviseur UHD. Autre alternative, posséder une smart TV UHD connectée et avoir la chance que l’appli du service de VOD souhaité soit disponible dans le système d’exploitation du récepteur TV. Et si en plus on souhaite recevoir des images HDR, les combinatoires se démultiplient car il faut que le décodeur soit lui aussi compatible HDR. Par exemple le décodeur TV d’Orange UHD90 n’est pas compatible HDR. Les programmes UHD disponibles sur myCanal peuvent être reçus sur l’Apple TV avec l’application éponyme, mais celle-ci n’existe pas encore sous Android. Par contre, le service est disponible sur certains téléviseurs Samsung. Il semble d’ailleurs que les constructeurs de téléviseurs soient favorables à l’intégration des applications des services de VOD directement dans leur smart TV, plutôt que de faire la chasse aux complications du raccordement d’un décodeur de FAI ou d’un player externe. Sur les forums d’utilisateurs, il semble que passer par les décodeurs des FAI soit plus complexe et l’Apple TV 4K reçoit de nombreux satisfecits, au moins pour la réception des services myCanal et Netflix.
Le raccordement via les câbles HDMI entre les décodeurs externes et le téléviseur, vu le nombre de versions du standard HDMI, crée aussi son lot de complications. D’ailleurs Netflix, de son côté, et Apple, d’autre part, ont publié des notes techniques détaillant marque par marque de téléviseurs la procédure pour obtenir l’affichage des images en UHD et en HDR. Chaque constructeur enterre dans des sous-menus l’accès à toutes ces options et il n’est pas toujours simple de les retrouver dans la multitude d’options et de réglages d’un téléviseur moderne.
Il faut également vérifier les versions au niveau des prises HDMI. Lors d’une vérification technique sur les caractéristiques d’un téléviseur, nous avons constaté que toutes les prises HDMI disponibles ne sont pas identiques. Il est assez courant, par exemple sur un téléviseur muni de quatre prises HDMI, que deux soient compatibles HDMI 2.0 et donc reproduisent les images UHD à 50 ou 60 Hz et que les deux autres soient HDMI 1.4 et donc fonctionnent uniquement à 25 ou 30 images/sec. Il semble que cet état de fait soit très répandu, y compris sur des modèles haut de gamme et aussi sur des appareils destinés au marché corporate. Donc attention, lors des branchements, à se connecter sur la bonne embase.
Cette multiplication des niveaux de standards, des caractéristiques des signaux combinée à la diversité des codages HDR risque de décourager beaucoup d’utilisateurs. Malgré des systèmes de reconnaissance de signaux et le développement des métadonnées, il y aura forcément des combinatoires non prises en compte qui aboutiront à un mode d’affichage dégradé. Les constructeurs de téléviseurs veulent à tout prix renouveler leur gamme de produits sur un rythme effréné en y ajoutant la moindre nouveauté technique pour renchérir sur le concurrent. Il eut été plus sage d’attendre une stabilisation des technologies et des standards qui prennent en compte l’ensemble des progrès et des améliorations, de manière à les englober dans un système complet et performant. Ce sera sans doute le cas avec la sortie des téléviseurs et accessoires équipés du connecteur HDMI 2.1. Mais ce standard annoncé il y a déjà un an n’est toujours pas disponible sur le marché. Si l’industrie du loisir audiovisuel veut réussir la percée des contenus 4K/UHD il est indispensable de calmer un peu l’effervescence autour de ces avancées techniques.
La guerre autour du HDR reprend de plus belle
Il y a environ un an, la situation autour du choix d’un codage HDR paraissait se décanter lentement. Quatre systèmes étaient en compétition, le HDR10, choisi initialement pour les disques Blu-ray UHD, le HLG mieux adapté aux émissions en direct et enfin le DolbyVision, avec un outsider plus discret, le SL-HDR1 promu par Philips et Technicolor. Ces systèmes ont été décrits dans le Mediakwest #17 ; l’article est disponible en ligne ici.
Le HDR10 est basé sur la courbe de trans fert OETF, appelée PQ et standardisée par le SMPTE sous le sigle ST2084. Il prévoit aussi un codage sur 10 bits et transmet les paramètres de codage avec des métadonnées statiques, c’est-à-dire identiques tout le long du programme. Le HLG (Hybrid Log Gamma) est basé sur une courbe OETF différente, combinant l’ancienne courbe de transfert de type gamma pour les basses et moyennes lumières et une courbe logarithmique pour les hautes lumières. Cette méthode, mise au point conjointement par la NHK et la BBC, reçoit les faveurs des broadcasters car elle assure la rétrocompatibilité avec les récepteurs standards non HDR. Elle est aussi plus simple à mettre en œuvre dans le cadre d’un direct, car elle est dite « scene referred » contrairement aux autres systèmes qui sont « display referred » et exigent un calibrage en postproduction.
Face à ces deux systèmes assez simples et libres de droit, Dolby a conçu un codage HDR dénommé DolbyVision destiné à optimiser le traitement HDR pour la télévision. Il s’agit à la fois d’un codage HDR, lui aussi basé sur la courbe PQ, complété par un ensemble de métadonnées dynamiques qui caractérisent le niveau de reproduction de chaque partie de l’image, pour correspondre exactement aux intentions du réalisateur ou à la luminosité de la scène capturée. Ce mode de codage est associé à des outils de postproduction et à un workflow à partir de l’expérience de Dolby dans le secteur de la colorimétrie et de la postproduction cinéma en lien avec les grands studios d’Hollywood. Dolby propose aux constructeurs de TV, aux diffuseurs de contenus et aux majors du cinéma d’adopter son système, bien entendu contre le versement de royalties.
La question importante autour du choix d’un codage HDR était de savoir si le système DolbyVision allait se généraliser, à l’instar de ce qui s’était passé pour le son, et si des systèmes alternatifs allaient pouvoir rattraper leur retard. Après une phase d’attentisme et d’observation pendant laquelle chaque acteur scrutait les choix de ses concurrents, il semblait que le vent tournait en faveur de Dolby. Sony, longtemps réticent, commercialise des téléviseurs compatibles DolbyVision. Sur les modèles concernés, une prochaine mise à jour devrait rendre ce codage opérationnel. Apple, pour son nouveau décodeur Apple TV 4K, a choisi de le rendre compatible DolbyVision. Des fabricants de téléviseurs moins emblématiques comme Vizio, Hisense ou Vestel ont également décidé d’implanter DolbyVision sur leurs produits. Ces déploiements corrigent la tendance « haut de gamme » de cette technologie, qui serait cantonnée à des équipements onéreux ou réservée à un public exigeant.
Avec le HDR10 +, Samsung bouscule le paysage de l’UHD
Mais un grand nom manque toujours à l’appel, Samsung, et ce n’est pas rien puisque c’est le premier fabricant mondial de téléviseurs. Et là, coup de théâtre, il lance sa propre technologie HDR, dénommée HDR10 +. Pour l’instant, aucun produit n’est disponible avec le codage HDR10 + mais Panasonic, TP Vision (produits vendus sous la marque Philips) pour le marché européen et la 20th Century Fox ont annoncé suivre ce nouveau codage. Amazon, qui propose déjà ses contenus en HDR10 et DolbyVision, va aussi ajouter ce codage à sa panoplie.
Visiblement l’expérience passée de la multiplication des codages ou standards n’a pas servi. Un vieil adage issu des batailles homériques autour de la cassette vidéo, des vidéodisques ou du Blu-ray démontre qu’au niveau mondial, deux standards ou deux normes, c’est le maximum. Avec trois, il y en a un de trop et il sombrera. Là, autour du HDR, avec cinq standards en concurrence, c’est de la folie, d’autant qu’il faut associer et combiner les caractéristiques de l’écran d’affichage, le codage des contenus, les éventuels décodeurs externes et les liaisons d’interconnexion. Et on commence à parler de HDR pour les écrans informatiques et les terminaux mobiles comme les iPhones. Lors du dernier CES, Lenovo a même présenté un ordinateur portable avec écran HDR.
Un recensement des différentes technologies HDR reconnues par les divers acteurs montre que le HDR10 est quasiment disponible partout. En effet, la technologie est assez simple car les métadonnées sont statiques et le HDR10 est centré sur la courbe PQ. Il se murmure que ce dernier pourrait évoluer vers une version dynamique. Le HLG, poussé par les broadcasters, surtout en Europe, est déjà disponible sur de nombreux écrans et décodeurs. Le DolbyVision a pris une longueur d’avance car une bonne moitié des constructeurs de TV ont signé des accords pour l’implanter. Mais cela ne couvre pas toute la gamme de leurs écrans ; seuls certains modèles sont concernés selon une approche marketing spécifique à chacun. Pour les détenteurs de contenus, une bonne partie des studios de cinéma se sont ralliés à ce codage (Disney/Pixar, Paramount, Sony Pictures, Universal…), mais là aussi tous les films ne sont pas encore proposés avec ce codage, loin de là ! Pour les décodeurs ou média players et les services de VOD, c’est plus nuancé.
Derrière, il y a deux challengers, Technicolor avec le SL-HDR1 et le HDR10 + de Samsung. Ils sont pour l’instant choisis par un nombre beaucoup plus réduit d’acteurs. Le SL-HDR1 vient d’être retenu comme proposition pour un examen par l’ATSC pour la future norme ATSC 3.0. Pour la diffusion broadcast, sa compatibilité SDR/HDR est certainement un atout comme pour le HLG. Il faut remarquer la largeur d’esprit de LG qui a inscrit à son catalogue des écrans capables de décoder à la fois le HDR10, le HLG, le DolbyVision et le SL-HDR1. Manque plus que le HDR10 +, mais cela serait surprenant de la part de l’un des plus farouches concurrents de Samsung.
Le feuilleton autour du HDR est loin d’être terminé et risque de nous réserver encore quelques surprises.
* Article paru pour la première fois dans Sonovision #10, p.50/54. Abonnez-vous à Sonovision pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.