Les attentes des broadcasters
La concurrence télévisuelle fait rage. Il faut attirer l’œil des téléspectateurs, non pas uniquement avec les contenus ou la ligne éditoriale, mais également avec la façon de présenter l’information sur le plateau, pertinente et dynamique. De plus en plus de présentateurs ne sont plus assis derrière leurs bureaux, préférant commenter des informations devant des écrans. L’interactivité est particulièrement intéressante lors des prévisions météorologiques par exemple. Ces écrans en plateau contribuent à attirer immédiatement l’attention des téléspectateurs par le gigantisme des contenus augmentés au service du présentateur et de son propos.
Que ce soit pour l’information, le sport ou les jeux télévisés, grâce aux écrans led, largement utilisés désormais, la qualité d’image sur les plateaux a fait un énorme bond. Les écrans LCD étaient limités en vision hors axe, en résolution, en fréquence de rafraîchissement, mais également en dimensions. Il fallait se contenter des diagonales proposées. De plus, la durée de vie du LCD est deux à trois fois moins importante que celle d’un écran led.
Les cubes intégrant un rétroprojecteur DLP avaient leurs avantages : une luminosité élevée pour un affichage clair des images, une distorsion minimale des couleurs et un écran anti-reflets à fort contraste, bienvenu sur les plateaux. Mais avec leur profondeur importante, les cubes ne peuvent plus se battre contre les panneaux led ultra plats.
La rétroprojection grand format sur des écrans techniques a également eu son heure de gloire. DNP, principal fabricant d’écrans de rétroprojection pour les cubes et pour les plateaux, a cessé toute production il y a maintenant deux ans. La led a définitivement enterré tous les autres systèmes.
En parallèle des panneaux led à assembler, les moniteurs led perdurent. Ils peuvent constituer un mur si l’on accepte la contrainte du quadrillage dessiné par les cadres, même si les derniers moniteurs affichent moins de deux millimètres de bordure. Le moniteur led est figé dans sa diagonale, tandis que les panneaux led s’assemblent pour former la surface de son choix.
En mur d’images, les moniteurs deviennent de moins en moins compétitifs face à des panneaux led dont les tarifs ne cessent de baisser. Le moniteur est donc plus contraignant, même si ses caractéristiques techniques répondent aux besoins des plateaux TV. Ils sont surtout utilisés en afficheur alternatif ou en complément du mur led, à d’autres endroits du plateau, devant le pupitre du présentateur par exemple, pour un usage seul ou bien en association créative, espacés, en diagonale, etc. En combinant les deux solutions, les broadcasters ont ainsi accès à des possibilités sans limite.
Les broadcasters attendent des solutions d’affichage numérique modernes une personnalisation des surfaces d’affichage. La créativité et le décor du studio dictent la taille des écrans et non plus le contraire. Grâce aux murs led, la surface pourra être non conventionnelle et s’inscrire dans la structure du plateau. Ensuite, cette image doit répondre à des critères de qualité évidents en termes de luminosité, de colorimétrie et de précision.
Contrairement à l’événementiel où les écrans sont loués, les broadcasters achètent les écrans led pour leurs studios. Ils attendent donc une stabilité dans le temps et une haute qualité de service à tout point de vue. Les écrans led répondent aujourd’hui à l’ensemble de ces attentes.
Les contraintes de l’affichage sur un plateau
L’affichage d’une image sur un écran, lui-même filmé par une caméra, présente certaines contraintes techniques. Mettre en place un ensemble de moniteurs ou un mur d’écrans led implique de multiples questions techniques auxquelles l’intégrateur devra apporter les bonnes réponses. Sur les projets les plus complexes, le fabricant entre dans la boucle jusqu’à personnaliser les produits spécifiquement pour le client final.
La première question est celle de la qualité de l’image. Plus les écrans led seront filmés de près, plus un haut degré de précision est important. Ces dernières années, le pitch des panneaux led tournait autour de 2,5 mm. La baisse des prix aidant, la tendance oscille aujourd’hui entre 1,5 et 1,9 mm. Quant aux moniteurs led, il faut viser une résolution UHD. L’image sera ainsi précise en toute situation. L’effet de banding n’existe plus grâce aux hautes fréquences de rafraîchissement. Les panneaux led grimpent pour certains à plus de 3 000 ou 4 000 Hz.
Le respect de la colorimétrie passe par une calibration de chaque panneau. Chez certains fabricants, les écrans sont pré-calibrés en usine pour offrir une uniformité dès la mise en place. La plupart garantissent désormais un respect des couleurs sur toute la durée de vie des leds. Une luminosité de 700 nits minimum contrecarrera l’éclairage des projecteurs du studio afin que les écrans ne soient pas sujets à des reflets.
La température de couleur de l’écran est une donnée essentielle à prendre en compte. Sur les plateaux, les éclairages diffusent une lumière chaude tirant sur l’orange. Le téléspectateur ne le voit pas car cela est compensé avant la diffusion. Les écrans sur le plateau doivent tenir compte de l’éclairage ambiant en délivrant une image peu réaliste au premier abord, avec une température idéale autour de 3 200 °K.
Une fois filmée par les caméras de plateau puis compensée, l’image apparaîtra chez le téléspectateur lumineuse, contrastée et réaliste dans la reproduction des couleurs. À contrario, un écran bien réglé pour l’œil humain sur le plateau apparaîtra à la fin de la chaîne de transmission bleuté, plat, manquant de détails. Certains modèles d’écrans peuvent voir leur température de fonctionnement modifiée à travers les menus.
Le moiré est un problème potentiel à prendre en compte. Il apparaît lorsque la grille des leds de l’écran et la grille du capteur de la caméra se superposent. Plus le pitch sera fin, plus la résolution de la caméra sera élevée et plus le risque de moiré sera éloigné. Dans le cas où celui-ci apparaît, plusieurs astuces permettent de le contourner : ne pas faire le point sur l’écran, modifier la profondeur de champ, changer l’angle de la caméra. Stewart Filmscreen a développé le FideLEDy Vision, un masque venant couvrir la totalité du mur led et capable de faire disparaître tout effet de moiré.
Côté mise en œuvre, plusieurs critères majeurs sont à prendre en compte. L’adéquation des écrans et panneaux avec le projet, en termes de formats et de dimensions, est cruciale. Les plateaux les plus inventifs demanderont des écrans non plats, ceci afin de suivre les angles ou les courbes du décor. Il y a ensuite leur méthode de fixation : elle devra être compatible avec le décor du plateau. Le bruit des ventilateurs intégrés à certains panneaux pour leur refroidissement pourra les écarter d’un projet. Enfin, une alimentation redondante est une fonctionnalité à ne pas négliger.
La maintenance et le service après-vente guideront le choix du broadcaster. Les moniteurs et panneaux led ont de très longues durées de vie, jusqu’à 100 000 heures, même en usage 24 h/24. Une panne n’étant pas à écarter, l’intégrateur ou le fabricant doit pouvoir fournir les pièces de remplacement dans la journée. La réparation doit également s’effectuer le plus rapidement possible. La maintenance d’un grand nombre de panneaux led s’effectue par l’avant. Une ventouse ou un aimant permet de retirer un module led défectueux sans toucher aux autres.
Le processeur vidéo, pierre angulaire du système
Alors que les écrans sont la partie la plus visible d’un système de mur d’images, le processeur vidéo est sans doute le composant le plus critique. Le processeur sélectionné déterminera la puissance, la flexibilité et la stabilité du système dans son ensemble. L’utilisation dans un environnement broadcast exigera des fonctionnalités particulièrement robustes. Les sources externes représenteront un certain nombre d’entrées sur le processeur. Pour une gestion fluide des différentes couches, des transitions, des effets et des animations, un processeur puissant s’impose.
Il aura également la lourde tâche de découper les images pour les faire entrer dans la surface d’écran, quelles que soient leurs dimensions, même non conventionnelles. Le processeur devra peut-être gérer plusieurs affichages simultanément, un ou deux murs d’images et quelques moniteurs. Si chacun de ces écrans utilise différents types d’entrées vidéo ou s’ils présentent des formats d’image différents, il est important de s’assurer que le processeur peut également prendre en charge ce genre de configuration via de multiples scalers internes.
Le logiciel de mur vidéo conçu pour la diffusion peut n’offrir que quelques fonctions de base (chroma key, génération de bandeaux, transitions…) à compléter par d’autres outils déjà maîtrisés par le broadcaster. Il faut également penser à la gestion multi-utilisateurs du processeur et de son logiciel, surtout lorsqu’il est multifonctions. En régie, un technicien doit pouvoir gérer la diffusion et le routage vers les différentes zones d’affichage, tandis qu’un autre s’occupera plus spécifiquement des contenus.
Le processeur alimente les différentes zones d’affichage à travers un câblage pouvant vite devenir complexe. Il est donc nécessaire d’étudier la façon dont seront liés les murs d’images et les moniteurs à la régie. Ce sera peut-être en SDI directement. Avec le développement rapide de l’AV-over-IP, telle la norme SDVoE, de plus en plus d’écrans led peuvent être équipés en ce sens. La liaison nécessaire sera peut-être un câble catégorie 6 ou une fibre optique vers chaque écran, voire une liaison en chaîne.
Des écrans led pour de multiples applications
Samsung dispose de trois propositions à son catalogue. Elles se différencient par leur pitch. La gamme majoritairement utilisée est la série IFH en 1,5 mm. Lorsque le budget est plus conséquent, il est possible de descendre à 1,2 mm en passant sur la série IFJ. Les plateaux les plus prestigieux pourront choisir Samsung The Wall où le pitch est de seulement 0,84 mm. Le logiciel Samsung Color Expert Led permet de calibrer facilement et rapidement tous les modules d’un mur led pour obtenir une colorimétrie uniforme. Les murs led Samsung en version 1,5 mm ont été mis en place sur les plateaux de Polsat en Pologne et Antena 3 en Espagne.
Parmi son offre pléthorique de panneaux led, Unilumin préconise la série UTVIII. Disponibles en pitch 1,5 mm et 1,9 mm, ces panneaux offrent un large angle de vision de 160 °. Ils ont la particularité d’intégrer le wi-fi afin d’être paramétrés facilement sur site comme à distance via un portail dans le cloud.
Les écrans led Optoma sont particulièrement bien adaptés aux plateaux TV avec une fréquence de rafraîchissement variant entre 2 000 et 4 000 Hz selon les modèles. Le pitch est de 2,0 mm avec un large angle de vision et une luminosité garantie de 800 nits, avant comme après calibration.
Les moniteurs led Sharp sont parmi les plus utilisés par les broadcasters, en version paysage et portrait. Le PNV601, un 60 pouces avec 700 nits, est la référence majeure de la gamme. Il existe aussi en versions 450 et 1 500 nits afin de s’adapter parfaitement aux contraintes d’éclairage du studio. Les PNV601 sont utilisés sur les plateaux de la chaîne beIN Sports, de France24 et de TF1, pour l’émission Sept à Huit.
Leyard est un acteur majeur des murs led sur les plateaux TV. La marque équipe les studios de TF1, de RTL Luxembourg et RTL Pays-Bas, ou encore de CNN aux États-Unis. En Europe, les modules avec un pitch de 1,9 mm sont plébiscités. Tandis que le marché américain, plus avancé, est déjà passé au 1,5 mm, Leyard a réalisé de concert avec un intégrateur le mur led sur le plateau du 20 h de TF1, le plus grand projet à ce jour en France avec 70 m2 d’image en courbe. Les modules sont sans facettes, pour éviter la réflexion de la lumière, et équipés d’un micro shadder entre les leds pour faire disparaître la grille et ainsi éviter tout risque de moiré.
La gamme MicroTiles de Christie, en 1,2 mm ou 1,5 mm, est particulièrement bien adaptée aux plateaux TV avec 3 840 Hz de fréquence de rafraîchissement. Ces panneaux led permettent de créer des surfaces totalement personnalisables avec des angles à 90 ° intérieurs ou extérieurs, mais également des courbes convexes ou concaves. Ils assurent 97 % d’uniformité d’un panneau à l’autre sans déviation sur toute leur durée de vie de 100 000 heures.
Ekta équipe les studios de X-Factor et de France TV. Le point fort des panneaux led Ekta est de garantir une image dont la colorimétrie ne bouge pas, même à 1 % de luminosité lorsque cela peut être demandé par le broadcaster selon l’éclairage du studio. Ces panneaux led fonctionnent avec une vitesse de rafraîchissement de 7 680 Hz pour écarter toute possibilité de scintillement à l’image.
Les écrans led, une solution pérenne
Les studios de télévision sont passés de simples écrans statiques à un ensemble complet de fonctionnalités visuelles axées sur des contenus dynamiques. Aucune autre technologie avant les leds n’a offert un tel degré de créativité aux broadcasters. Rien n’attire plus et ne retient l’œil du téléspectateur que les moniteurs et les murs led.
Avec la possibilité de créer des installations vraiment uniques, en termes de forme et de surface d’image, les studios sont désormais libres d’exprimer leur créativité afin d’aider les programmes à attirer plus de téléspectateurs grâce à des images captivantes. Les affichages led contribuent indirectement à orienter le choix entre telle ou telle chaîne ou tel ou tel journal télévisé.
Les dimensions, la qualité et la fiabilité de ces murs d’images évoluent rapidement grâce à la technologie led en pleine ébullition. Elle a définitivement fait disparaître le LCD et la rétroprojection. Tous les plateaux n’utilisent pas encore de moniteurs ou de panneaux led pour des raisons de coût. Ce n’est qu’une question de temps. Les prix baissent tandis que la technologie évolue. Les premiers plateaux étaient équipés de modules avec un pitch de 2,5 mm. La norme devient maintenant 1,9 mm en Europe et 1,5 mm aux États-Unis. Bientôt, les broadcasters passeront en-dessous du millimètre. Les modules existent déjà.
Les murs d’images représentent un investissement pour le futur. Les technologies mises en œuvre offrent un haut degré d’évolutivité. Avec 100 000 heures de durée de vie, d’une saison à une autre, les modules led peuvent être réorganisés ou complétés afin de modifier la surface d’image sur le plateau. Un processeur vidéo pourra recevoir de nouvelles cartes d’entrées et de sorties pour compléter les sources et alimenter de nouvelles zones d’affichage. Évolutif, il devra également être capable de supporter la puissance nécessaire aux manipulations graphiques les plus évoluées d’aujourd’hui… et de demain.
Article paru pour la première fois dans Sonovision #16, p.38-41. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.